Décryptage
Les vélos en free floating : quels impacts sur les mobilités actives ?
Un nouveau type d’offre de vélo partagé, aux très nombreux avantages, a fait son apparition en France à l’automne 2017 : les vélos en libre-service sans station ni borne d’attache dits vélos en « free-floating » (VFF). Quelle est l’influence des vélos en libre-service sans borne sur les comportements de mobilité ? Pour répondre à cette question, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a mené une enquête(1) sur son usage à Paris avec le bureau d’études et de recherche 6-T. Détail des résultats.
Méthodologie de l’enquête
Grâce à une application dédiée, les vélos en free floating sont accessibles n’importe où par l’usager, qui peut les emprunter et les déposer où il le souhaite. A partir d’octobre 2017, plus de 15 000 vélos flottants ont été déployés en France, dont 8 000 à Paris. Cette offre a ainsi connu un développement très rapide et représente aujourd’hui 20 % de l’offre des vélos partagés. Cependant, les VFF soulèvent des enjeux en termes d’occupation de l’espace public et peuvent représenter une forme de concurrence pour les systèmes de VLS en station déjà présents dans les villes.
Aucune étude n’avait jusqu’alors analysé l’impact de ces offres sur l’écosystème de la mobilité. Une enquête a donc été menée par 6-T bureau de recherche et diffusée par Ofo et Mobike après de leurs usagers sur Paris sous forme d’un questionnaire web entre le 26 septembre et le 28 octobre 2018. 2 349 répondants (sur un total de 3 452 réponses) avaient réalisé au moins un trajet en VFF dans le mois précédant l’enquête.
Le VFF, préféré par les jeunes cadres diplômés et non familiers du vélo
Le profil des usagers de VFF s’apparente à celui des cyclistes qui ont leur propre vélo ou aux usagers de Vélib’ dans Paris. Ainsi, il s’agit majoritairement de jeunes (60 % ont moins de 35 ans), plutôt cadres et/ou profession intellectuelle supérieure (68 %), masculins (66 %) et diplômés bac + 5 (43 %) ou plus (17 %). Les étudiants représentent également un usager sur cinq, la population cycliste parisienne étant composée à 23 % d’étudiants et de scolaires.
40 % des utilisateurs d’Ofo ou Mobike n’utilisaient jamais de vélo avant d’utiliser un VFF, qu’il s’agisse d’un vélo personnel ou en location. Seuls 20 % d’entre eux utilisaient déjà un vélo quotidiennement ou presque.
Le VFF, un marché innovant et complémentaire des autres modes de transport
Les VFF facilitent la complémentarité avec les autres modes, notamment avec les transports en commun. En effet, ils attirent aussi bien les usagers des transports en commun cherchant un trajet plus fluide, « sans couture », avec la possibilité du porte-à-porte, et rapide, que les piétons qui souhaitent gagner sur leur temps de parcours. En effet, plus d’un quart des sondés (27 %) ont réalisé un déplacement intermodal (cumulant au moins deux modes de transport) lors de leur dernier trajet avec un VFF (pour 73 % d’entre eux, le mode combiné était les transports en commun).
Le plus gros obstacle à l’emprunt reste la disponibilité des vélos. En effet, 63 % des utilisateurs ont déclaré qu’ils leur arrive « parfois » ou « souvent » de marcher plus longtemps qu’ils ne le souhaiteraient pour accéder à un vélo. De même, 70 % des usagers ont déjà été confrontés au problème d’une absence de vélo à proximité.
Des trajets courts, ponctuels et pour les loisirs
Les résultats de l’étude montrent que le VFF est plus utilisé pour des trajets courts, avec une durée moyenne de 21 minutes (ce qui correspond au premier palier de tarification de ces vélos, à savoir 20 minutes), auquel il faut ajouter un temps de marche moyen de 5 min 30 pour accéder au vélo. Les usagers qui ont fait au moins une location ont réalisé en moyenne 4,8 locations par mois, ce qui est plus faible que celle des abonnés au Vélib’ qui en 2016 réalisaient en moyenne 10 déplacements par mois. A noter que moins d’un cinquième des usagers empruntent un VFF plus d’une fois par semaine.
Les trajets sont majoritairement effectués dans le cadre des loisirs (36 % des déplacements) plutôt que pour des trajets domicile-travail (21 %) et ont lieu aussi souvent le week-end que la semaine, alors que les Franciliens réalisent moins de déplacements les samedis et dimanches que les autres jours de la semaine. « Plus souvent que pour les autres modes, les VFF sont ainsi utilisés pour des trajets reliant des lieux qui ne s’inscrivent pas dans la routine quotidienne des individus », précise l’étude.
Une influence modérée sur la pratique des autres modes
« Le VFF (…) ne remplace pas une pratique pré-existante, mais les font évoluer à la marge en offrant de nouvelles possibilités sur certains trajets », indique l’étude. Ainsi, elle note une diminution de faible intensité de la fréquence d’usage de la marche et des transports en commun. 45 % des répondants estiment que cette offre a modifié leur usage des transports en commun. Concernant la marche, 32 % estiment avoir changé leurs habitudes.
« La pratique des véhicules motorisés personnels (voiture et moto ou scooter) décroit de façon significative », constate l’étude. Cette baisse n’a cependant pas d’impact sur le niveau d’équipement ». L’utilisation de VFF diminue le recours à des taxis : avant l’utilisation des VFF, 8 % des usagers ne l’utilisaient jamais, après cette part monte à 27 %. Ce constat est également valable mais dans une moindre mesure pour les véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC). « La fréquence d’usage de voitures en autopartage décroît elle aussi : le taux de personnes qui déclarent ne jamais en utiliser passe de 21 % à 47 %. Il est possible cependant de supposer que cette évolution est en grande partie due à l’arrêt du service Autolib’ en juillet 2018 », note l’étude.
En revanche, la pratique du deux-roues motorisé partagé évolue peu et celle des vélos personnels ne change pas. Concernant les vélos en libre-service avec bornes, 55 % des enquêtés qui ont fait au moins un trajet en VFF dans le mois n’avaient jamais fait de Vélib’ auparavant. Les VFF créent donc en partie un marché nouveau. Cependant, pour plus de deux cinquièmes d’entre eux, l’adoption des VFF n’a pas influencé leurs pratiques du Vélib’, les deux services étant distincts et complémentaires pour eux. Seuls 23 % des usagers ont arrêté d’utiliser des Vélib.
Perspectives
On voit donc apparaître des pratiques propres aux vélos en free floating : ils répondent à des demandes sur les déplacements « les moins structurants et les plus diffus du quotidien, demande sur laquelle les services de mobilité ont souvent du mal à se positionner ».
L’étude conclut toutefois qu’en raison de la nouveauté de ce service, et du changement d’opérateur du service Vélib’ à Paris, au moment où l’étude a été réalisée, il sera utile d’étudier ces articulations lorsque la situation se sera stabilisée.
Source : ADEME
Note :
(1) Etude complète disponible sur goo.gl/69jNii