Décryptage

La santé, argument de cœur pour le vélo

Le meilleur médicament n’est pas vendu en pharmacie... Pour ces trois professionnels, la santé roule à vélo. Arguments à l'appui

Le meilleur médicament n’est pas vendu en pharmacie. Et le vélo à assistance électrique (VAE) est décidément une belle invention. Voilà ce que soutiennent trois professionnels de la santé invités au dernier Congrès de la FUB, en avril. Pour eux, la bonne santé roule à vélo, arguments à l’appui.

Le meilleur médica­ment n’est pas ven­du en phar­ma­cie. Et le vélo à assis­tance élec­trique est décidé­ment une belle inven­tion. Voilà ce que sou­ti­en­nent trois pro­fes­sion­nels de la san­té invités au dernier Con­grès de la FUB, en avril. Pour eux, la bonne san­té roule à vélo, argu­ments à l’appui.

Cet homme sait qu’il prêche des con­va­in­cus devant un pub­lic de cyclistes.
Directeur de l’Institut de recherche bio­médi­cale et d’épidémiologie du sport, Jean-François Tou­s­saint sait aus­si que la tâche est immense au niveau du pays, où « on a de plus en plus de com­porte­ments séden­taires » et où « l’activité physique ne cesse de reculer ». En deux siè­cles, elle a été divisée par dix. Et la France se dis­tingue avec 8% de la pop­u­la­tion sans aucune activ­ité physique, con­tre 3% au niveau européen.
Il relève avec un cer­tain pes­simisme « la décrois­sance d’activité des enfants avec l’entrée dans l’adolescence », ce qui est « très dom­mage­able sur l’ensemble de la san­té ». Du coup « les capac­ités car­dio-vas­cu­laires sont en décrois­sance extrême­ment rapi­de… la con­di­tion physique est en train de s’écrouler à une vitesse con­sid­érable ».
Une étude menée out­re-Manche mon­tre que, sur 80 000 sujets anglais et écos­sais qui pra­tiquent le vélo, la mor­tal­ité pré­coce a dimin­ué de 15 %.

« Dix fois plus de gains que de risques »

Les gains sont con­sid­érables pour le vélo comme trans­port quo­ti­di­en : de 30 à 50 % de réduc­tion de la mor­tal­ité vas­cu­laire. Il n’y a qua­si­ment aucune thérapeu­tique dans notre arse­nal qui per­me­tte des gains pareils. (…) Il y a dix fois plus de gains que de risques, tant sur les effets de la pol­lu­tion que sur l’insécurité routière.

Jean-François Tou­s­saint se réjouit de l’aide à l’achat d’un vélo à assis­tance élec­trique, dont « la moitié des béné­fi­ci­aires vont laiss­er tomber la bag­nole », et croit à « la sécu­rité par le nom­bre » du vélo sur la voie publique. Il cite à l’appui les villes de Berlin, Ams­ter­dam, Odense et Copen­h­ague où la crois­sance de l’usage du vélo s’est accom­pa­g­née d’une diminu­tion du nom­bre d’accidents graves. Il va plus loin que la FUB pour le dépla­fon­nement fis­cal de l’indemnité kilo­métrique vélo (IKV) en deman­dant qu’on le monte à 400€ par an au lieu de 200 actuelle­ment.
L’activité physique per­met aus­si de faire reculer les can­cers.
Acces­soire­ment, les con­séquences en ter­mes économiques sont énormes. Le Dr Tou­s­saint les chiffre à « mille euros de gain chaque année pour cha­cun des Français » qui déciderait de pass­er à un usage réguli­er du vélo dans ses déplace­ments.

« Dédramatiser la pratique de l’activité physique »

A Biar­ritz, le doc­teur Guil­laume Barucq, médecin général­iste, fait des ordon­nances pour la pra­tique du pad­dle ou du vélo. Et il s’en voudrait de qual­i­fi­er cette thérapeu­tique de « sport sur ordon­nance ». Selon lui :

Il faut dédrama­tis­er la pra­tique de l’activité physique parce qu’on fait peur aux gens. Guil­laume Barucq, médecin général­iste pre­scrivant la pra­tique du pad­dle ou du vélo

Et il explique que ses ini­tia­tives ne sont en rien celles d’un prati­cien isolé :
« A Biar­ritz on a pris le par­ti de s’adresser à toutes les per­son­nes séden­taires. Biar­ritz est une ville de 26 000 habi­tants, avec 11 000 per­son­nes inscrites dans des asso­ci­a­tions sportives. Le but c’était de repér­er les per­son­nes qui ne sont pas encore actives pour qu’elles se lan­cent dans des activ­ités physiques. On rem­bourse des séances d’activité physique à des per­son­nes qui n’en font pas, ou qui n’en font plus. Depuis juin 2015, 292 pre­scrip­tions ont été établies par 94 médecins de 17 com­munes de la Côte basque. Et on fait des con­trôles et des éval­u­a­tions, on relance les patients. Ce qu’on pro­pose ce sont des activ­ités physiques douces, et 90 % des 141 par­tic­i­pants ayant ter­miné le pro­gramme de 12 semaines pour­suiv­ent une activ­ité physique ensuite. »
Au pas­sage, il salue l’invention de l’assistance élec­trique, par­ti­c­ulière­ment appré­cia­ble pour pédaler sur un relief acci­den­té comme à Biar­ritz.

Le finance­ment ? ça ne coûte pas une for­tune. Et il faut voir en face les arrêts de tra­vail économisés, les médica­ments économisés. On arrive à faire pass­er des patients du statut de non sportif à sportif con­va­in­cu. Sur un syn­drome dépres­sif léger je mets le patient sur une activ­ité physique sur pre­scrip­tion.

Stras­bourg avait été pio­nnière pour inté­gr­er l’activité physique sur ordon­nance, avant le médica­ment. D’autres ont suivi. Alors : le sport plutôt que les médica­ments ?
Guil­laume Barucq souligne :

« Le sport peut être un médica­ment mais il n’a pas d’effet sec­ondaire ».

« L’activité vélo entraîne bien moins de perte d’oxygène que la marche »

Élar­gis­sons le champ d’action. Avec Marie-Pierre Humeau-Cha­puis, pneu­mo­logue et spé­cial­iste du som­meil, on prend con­science de l’importance de toutes les dimen­sions dans lesquelles évolue une per­son­ne. Si l’activité physique peut devenir un fac­teur de san­té, c’est parce qu’on maîtrise toutes les influ­ences récipro­ques entre le com­porte­ment per­son­nel du patient et son envi­ron­nement au sens large.

« La dif­fi­culté de la médecine c’est de savoir qu’est-ce qui fera l’avantage et l’inconvénient du médica­ment. Com­ment moi je vais devenir acteur de ma san­té. (…) Il faut qu’on fasse une alliance thérapeu­tique, expli­quer que ce n’est pas le médica­ment qui fera tout. »

Sur cette base qui est tout sauf une recette uni­verselle, la thérapeu­tique de l’activité physique se con­stru­it de manière très prag­ma­tique, entre soignant et soigné. Et tout de suite on dépasse le sim­ple aspect mécanique ou énergé­tique de l’activité physique :

« Les pas, les pédales, la roue, c’est la sérénité qui s’installe. »

Les rythmes biologiques ne sont pas mis entre par­en­thès­es, elle pré­conise de « se met­tre à la lumière pour l’alternance veille-som­meil. »
Et à cha­cun selon ses besoins et ses moyens : « Ce qui compte c’est le delta par rap­port à ma sit­u­a­tion ». Que cette sit­u­a­tion soit celle d’un séden­taire encore bien por­tant ou à l’opposé celle d’une per­son­ne atteinte d’une affec­tion de longue durée. Marie-Pierre Humeau-Cha­puis cite le cas d’une femme atteinte de sclérose en plaques :

« Depuis qu’elle a acheté un vélo à assis­tance élec­trique elle a retrou­vé une autonomie, alors qu’elle con­tin­ue à tra­vailler en fau­teuil roulant. Le VAE ça redonne une dynamique à la vie. »

Quid du lien entre vélo et tabac ? Voilà un autre sujet majeur pour la pneu­mo­logue. Là, elle a con­staté que le vélo est vrai­ment plein de ressources :

« Le fumeur en marchant il perd son taux d’oxygène, alors qu’à vélo on ne perd pas son taux d’oxygène. L’activité vélo entraîne bien moins de perte d’oxygène que la marche. »

Quant aux asth­ma­tiques ou aux coro­nar­iens, elle leur con­seille plutôt le VAE. Surtout con­tre le vent.

Auteur : Jean-Michel Trotignon, Rédacteur en chef de Vélocité
Photos : Creative commons — portraits : FUB

Une pub­li­ca­tion par Actu­vé­lo et Pignon sur Rue en col­lab­o­ra­tion avec Véloc­ité, la revue du cycliste au quo­ti­di­en, éditée par la Fub. Extrait de Véloc­ité n°141 – mai-juin 2017.

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