Décryptage

Rio et Sao Paulo à vélo

J’ai eu l’occasion de retourner au Brésil pour un voyage familial, avec, bien sûr, un regard intéressé sur les problèmes de mobilité qui se posent à ce grand pays que l’on classe comme émergent. J’ai pu constater encore une fois que malgré des reliefs pas négligeables et l’automobile et l’avion qui dominent les déplacements, le vélo a une place importante dans la vie brésilienne.

Rio de Janeiro

La ville de Rio a choisi de con­sid­ér­er le vélo comme un moyen de déplace­ment à pren­dre en compte. Elle a accueil­li le con­grès Véloc­i­ty en juin 2018. C’est un choix dif­fi­cile dans cette ville de 6 mil­lions d’habitants et une aggloméra­tion de 12 mil­lions. Située à l’entrée d’une grande baie, elle se développe en linéaire le long de l’océan sur les espaces calmes lais­sés par les reliefs gran­i­tiques célèbres.

La voiture est le mode de déplace­ment dom­i­nant avec des voies autoroutières sat­urées, des via­ducs, des tun­nels tra­ver­sant les mon­tagnes. Métro et tramway sont peu dévelop­pés. Le métro est lim­ité à deux lignes se recou­vrant, linéaire le long de la baie et des plages. Dans le cen­tre, deux lignes de tramway de 5 km seule­ment ont été réal­isées en 2016 par Alstom pour les jeux olympiques, entre la Rodoviária, la gare routière la plus fréquen­tée du Brésil (200 lignes de bus et 50 000 pas­sagers), et l’aéroport de San­tos-Dumont pour l’une, et la Praça XV, l’embarcadère qui per­met de tra­vers­er les 5 km de la baie pour rejoin­dre Niteroi pour l’autre. Un pit­toresque tramway por­tu­gais date du début XXe siè­cle, le San­ta Tere­sa, dont la par­tie haute est en travaux de réno­va­tion. Tout cela est bien peu ! Le reste des trans­ports en com­mun est assuré par de nom­breuses com­pag­nies de bus avec sou­vent des voies en site pro­pre le long des autoroutes. Quand on le prend, il faut s’accrocher, car ça démarre en trombe ! Les trans­ports en com­mun sont gra­tu­its pour les seniors. Les taxis sont aus­si très nom­breux et pas trop chers.

On voit beau­coup de vélos un peu partout dans la par­tie cen­trale et touris­tique de la ville. Ce sont des gens de tous âges qui se dépla­cent pour leur activ­ité, cer­tains trans­portent des enfants. Cer­tains por­tent un casque mais beau­coup n’en ont pas. Ils sont sou­vent équipés de paniers, plus ou moins grands, pour le trans­port de pro­duits.

Le vélo est un moyen de déplace­ment qui a tou­jours existé et qui se main­tient. Pour cela, des amé­nage­ments cyclables ont été réal­isés. On dit que Rio a atteint la barre des 400 km de pistes cyclables. La ville con­tin­ue de dévelop­per son réseau avec cette année 20 km de plus. La plus célèbre et vis­i­ble est la piste cyclable Niemey­er qui court tout le long des plages de la zone sud et se  pro­longe dans le cen­tre. Mal­heureuse­ment, en avril 2016, elle a été coupée par un effon­drement. Elle reste très fréquen­tée.

Rio a mis en place depuis pas mal d’années des vélos en libre ser­vice : Bike Rio, c’est le TEMBICI, mis en place par ITAU, une grande banque du Brésil, (bikeitau.com.br/bikerio/). ITAU annonce aujourd’hui 260 sta­tions et 2 600 vélos.  L’utilisation de ces vélos est sim­ple avec un abon­nement et une carte, un télé­phone portable brésilien, ou un smart­phone sur lequel on télécharge l’application. Avec un for­fait d’environ 1,2 € par jour ou 2,5 Ä par mois pour 24h d’utilisation, le tra­jet de moins de
60 min est gra­tu­it, et au-delà, 1,2 Ä par heure. Le vélo est ren­du à n’importe quelle sta­tion.

Ubatu­ba, petite ville de la côte Atlan­tique. ©A. Cessieux

C’est éton­nant de voir la fréquen­ta­tion impor­tante de ces vélos, aus­si bien dans la ville que sur les plages, où c’est plus la prom­e­nade qui domine. C’est impres­sion­nant de voir le plaisir que pren­nent tous ces cyclistes à se déplac­er le long de ces superbes plages de 5 km alors que le traf­ic est arrêté. Le dimanche et les jours fériés, sur les plages de Copaca­bana et d’Ipanema, la moitié de la chaussée côté bord de mer est fer­mée à la cir­cu­la­tion et réservée aux seuls cyclistes et pié­tons afin de per­me­t­tre aux promeneurs de déam­buler en toute quié­tude.

J’ai vu un peu partout des vélocistes qui louent aus­si des vélos. Dans la foule des cyclistes, j’ai même vu un cou­ple de jeunes ran­don­neurs avec leurs sacoches bien rem­plies.

 

Sao Paulo

Dans cette ville gigan­tesque, on com­mence à voir pas mal de cyclistes et ce ne sont pas que des promeneurs, des cyclo sportifs mais aus­si pas mal d’hommes et de femmes qui se dépla­cent surtout aux heures de pointe. Des ban­des cyclables sont amé­nagées le long des grandes artères, iden­ti­fi­ables par le dessin d’une bicy­clette blanche au sol. Mais aus­si sur les grands itinéraires auto­mo­biles, des pistes cyclables totale­ment séparées de la route de couleur rouge avec de très nom­breuses passerelles de fran­chisse­ment des autoroutes.

Sao Paulo est la troisième aggloméra­tion du monde, une ville de 16 mil­lions d’habitants et une aggloméra­tion de
23 mil­lions. Elle représente à elle seule 40 % de l’économie du Brésil. La mobil­ité est une grande ques­tion !

L’amélioration de l’économie nationale avait induit une aug­men­ta­tion impor­tante du nom­bre de véhicules mais l’infrastructure routière n’avait pas beau­coup pro­gressé et cela con­duit à une sit­u­a­tion de cir­cu­la­tion très dif­fi­cile, avec des embouteil­lages per­ma­nents. On est proche de l’asphyxie !

Des transports en commun insuffisants

Un réseau de métro con­séquent existe et se développe mais il coute très cher et des acci­dents de travaux ont con­duit à des arrêts de chantier longs pour que les juge­ments inter­vi­en­nent ! Même si le réseau, très fréquen­té et com­plété par des lignes de bus nom­breuses, pro­pose les Bus Rapid Tran­sit, tout cela reste insuff­isant pour sat­is­faire les besoins.

Lut­ter con­tre les dif­fi­cultés de déplace­ment en voiture, con­tre la pol­lu­tion de l’air : la col­lec­tiv­ité n’a pas beau­coup de marge de manœu­vre. Inciter à sup­primer les véhicules anciens, met­tre en place un péage urbain, pèseraient lourd sur la pop­u­la­tion et les recettes atten­dues seraient insuff­isantes pour financer des lignes de métro.

Il sem­ble que Sao Paulo pense que le vélo peut avoir une util­ité dans la mobil­ité, essen­tielle­ment pour tous les déplace­ments de quelques km, alors pourquoi s’en priv­er ?

Campagnes d’incitation au vélo

De gross­es cam­pagnes de com­mu­ni­ca­tion sont dif­fusées sur les bien­faits du vélo : l’activité physique sur la san­té, faire des économies pour aller tra­vailler, en soulageant le réseau de bus et en amélio­rant la qual­ité de l’air. Elles s’attachent à créer une con­vivi­al­ité entre auto­mo­bilistes, cyclistes et pié­tons.

Dans le Parc Ibi­ra­puera à Sao Paulo. ©A. Cessieux

Un pro­gramme de créa­tion de pistes cyclables est engagé avec, dans le cen­tre, la créa­tion d’un réseau cyclable en site pro­pre et de nom­breux couloirs dédiés aux cyclistes pour essay­er de faciliter la cohab­i­ta­tion avec les auto­mo­bilistes et per­me­t­tre de prof­iter de la ville.

Beau­coup de vélocistes louent aus­si des vélos. Les week-ends et jours fériés, la Paulista est réservée aux vélos comme plusieurs grandes voies et des parcs comme le Par­que Ibi­ra­puera.

Des balades à vélo gra­tu­ites sont pro­posées pour des vis­ites à vélo du cen­tre-ville, des sites cul­turels, des murs, du parc Ibi­ra­puera.

Vélos partagés

Sta­tion VLS à l’arrêt de métro Cidade Jardim à Sao Paulo. ©A. Cessieux

Des vélos en libre ser­vice ont fait leur appari­tion. Même si on en voit moins qu’à Rio, pas mal de sta­tions sont créées. Comme à Rio, c’est ITAU, une banque du Brésil, qui met en place des vélos en libre ser­vice TEMBICI (bikeitau.com.br/bikerio/). Ils annon­cent 260 sta­tions et 2 600 vélos. Pour utilis­er ces vélos, il faut un abon­nement géré par une carte et un télé­phone portable brésilien, ou un smart­phone sur lequel on télécharge l’application. Le for­fait coûte env­i­ron 2 € par jour et 4 Ä pour 3 jours, 5 Ä pour un mois et 40 Ä par an. Un tra­jet de moins de 60 min est gra­tu­it. Le vélo doit être reposé au moins 15 min. Au-delà d’une heure, c’est 1,2 Ä par heure. Le vélo est ren­du à n’importe quelle sta­tion. L’idée annon­cée est de partager util­i­sa­tion du vélo pour tous jusqu’à une heure. Beau­coup de sta­tions sont implan­tées à côté d’une gare de métro. Le vélo aug­mente la zone d’influence de la sta­tion de métro.

On voit aus­si beau­coup de vélos Yel­low Bike dans le cen­tre de Sao Paulo. Yel­low Bike annonce 2 000 vélos et 1 000 trot­tinettes. Il suf­fit de charg­er l’application disponible sur son smart­phone, créer un compte, le créditer, repér­er un vélo par GPS, le déblo­quer par le QR code placé sur l’arrière du vélo. Il n’y a pas de point fixe pour ces bicy­clettes. Après util­i­sa­tion, il faut ver­rouiller le vélo manuelle­ment et le laiss­er à un emplace­ment choisi à l’intérieur du périmètre cen­tre-ville défi­ni, sinon c’est une amende de 30 réals (un peu plus de
7 €). Le ser­vice coûte env­i­ron 1,2 Ä toutes les 15 min­utes. L’utilisateur peut ajouter des crédits sur son appli­ca­tion. L’idée est que les vélos soient util­isés pour des déplace­ments de 2 km, en com­plé­ment d’autres modes de trans­port, générale­ment le métro.

Des embouteillages monstrueux

Si cette ville gigan­tesque, célèbre pour ses embouteil­lages mon­stres de 100 à 200 km jour­naliers, dom­inée par le lob­by des indus­tries auto­mo­bile et routière, a du mal à dévelop­per un réseau de trans­ports en com­mun à la hau­teur, pourquoi le vélo n’aurait-il pas sa place  pour les nom­breux déplace­ments, dont ceux à courte dis­tance ? Dans le cen­tre, le pont route Ele­va­do Prési­dent Joao Goulard est fer­mé à la cir­cu­la­tion et doit être trans­for­mé en parc urbain. Même à Sao Paulo, l’évaporation du traf­ic existe.

Les créa­teurs de Yel­low Bike, qui ont fait un investisse­ment de plus de 10 M d’€, sont Eduar­do Musa, ancien prési­dent de Caloi, Rena­to Fre­itas et Ariel Lam­brecht, les deux derniers étant co-fon­da­teurs de 99 Taxis racheté par un chi­nois pour con­cur­rencer Uber. Caloi a été acquis par Dorel en 2013.

Caloi, LE vélo brésilien

Caloi est un impor­tant fab­ri­cant brésilien de bicy­clettes et d’accessoires pour bicy­clettes. Fondée en 1898 au Brésil, c’est l’une des mar­ques de bicy­clettes les plus anci­ennes et les mieux établies au monde. Cette mar­que est la pre­mière en Amérique latine et elle occupe égale­ment le haut du pavé dans le marché brésilien. Elle offre une vaste gamme de bicy­clettes, qui va des mod­èles de com­péti­tion aux bicy­clettes pour enfants, en pas­sant par les vélos de mon­tagne, urbains, récréat­ifs et de route. Les pro­duits Caloi sont dis­tribués à l’échelle du pays par divers canaux, du marché de masse aux con­ces­sion­naires indépen­dants de bicy­clettes. L’usine Caloi de Man­aus assem­ble des bicy­clettes des­tinées au marché brésilien et à l’exportation pour les mar­ques de la com­pag­nie Dorel, comme Can­non­dale, Schwinn, Mon­goose GT et Sug­oi.

Liens utiles :
https://fr.saopaulomap360.com/
https://www.ativo.com/bike/mobilidade/yellow-bike-sao-paulo-sistema-alugar-por-r1/
http://bikes.oobrien.com/saopaulo/
https://bikeitau.com.br/

 

Un article à lire aussi dans Vélocité149 — janvier-février 2019, une publication de la FUB.

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