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Suivi et évaluation : de l’intérêt de compter les vélos
« Seuls comptent ceux qui sont comptés. » Jamais plus qu’en 2020, ces mots n’auront rencontré autant d’écho dans l’actualité. En effet, il ne suffit pas de mettre en place un aménagement cyclable provisoire... encore faut-il le conserver. Alors que différentes représentations du vélo s’affrontent, la production de données sur la pratique cyclable est cruciale.
Les enjeux des données sur l’usage du vélo
Le suivi et l’évaluation sont encore bien souvent les parents pauvres des politiques cyclables. Pourtant, la construction de données sur l’usage du vélo permet de répondre à trois besoins majeurs :
• Aider à la décision : quel axe prioriser, quel type d’aménagement ou de service favoriser,… ;
• Évaluer les politiques de déplacement : ce budget a-t-il rempli l’objectif donné, aurait-il été mieux affecté autrement,.. ;
• Donner de la visibilité à la pratique du vélo et communiquer : ce dernier point est sans doute stratégique pour les défenseurs du vélo. Discret, silencieux, concentré aux heures de pointe, fluide,… le cycliste est un usager de la voirie peu visible et il est facile de crier à la piste vide. De plus, les outils traditionnels de suivi des mobilités ne sont souvent pas pensés pour le vélo, mais pour la voiture et les transports en commun afin de répondre à des problématiques de dimensionnement d’infrastructures. Or, si les cyclistes ne sont ni visibles ni comptés, ils risquent fort d’être oubliés.
Qui produit les données ?
Traditionnellement, les collectivités locales suivent l’usage du vélo au moyen d’enquêtes (les plus connues étant les enquêtes ménages) et de comptages humains. Cependant, de nouvelles techniques ont fait leur apparition ces 20 dernières années, dont 2 principales :
• Les compteurs automatisés permettent la production de données en continu sur des points précis ;
• Les relevés de traces GPS par applications mobiles permettent la construction de cartes des flux cyclistes.
Grâce à ces données, les collectivités sont en mesure d’évaluer leur politique cyclable, comme elles sont parfois tenues de le faire dans le cadre des comptes déplacements des plans de mobilités ou bien d’appels à projets notamment européens.
Le milieu associatif peut faire la différence
Bien que les collectivités soient les mieux armées pour suivre la mobilité cyclable, elles n’en ont pas le monopole. Les associations ont tout intérêt à s’emparer de ce sujet, et le font d’ailleurs de plus en plus.
En premier lieu, il est souvent possible d’accéder à certaines données émises par la collectivité en open data : comptages automatiques ou données d’utilisation des vélos en libre-service par exemple. Avec quelques précautions statistiques, ces données peuvent être relayées, retravaillées si nécessaire et devenir des vecteurs de communication puissants. On pourra citer par exemple le site compteurs.parisenselle.fr.
Mais les associations peuvent également créer la donnée. Le Baromètre des Villes Cyclables est de ce point de vue emblématique. Grâce à un relais massif de l’enquête, il a permis de construire des données dans des communes où celles-ci sont très rares, mais également de proposer une évaluation par l’usage, complémentaire aux méthodes d’évaluation plus traditionnelles.
Les comptages humains sont par ailleurs tout à fait à la portée des associations même les plus petites pour peu qu’elles fassent preuve d’un minimum de rigueur. Bien que ne permettant pas la même amplitude temporelle qu’un compteur automatique, ils peuvent fournir des données beaucoup plus qualifiées : type de vélo, sens de circulation, répartition par type, part de livreurs à vélo…
L’association Droit au Vélo à Lille est un bon exemple. Grâce à ses bénévoles, elle effectue des comptages réguliers sur des points stratégiques de l’agglomération et publie avec le Cerema depuis 2016 un « Indice semestriel d’usage du vélo » montrant un quasi-doublement de la pratique en 5 ans et lui permettant de publier en juin 2020 un article sur la répartition par type des cyclistes.
À Bordeaux, l’opération « Les 24h du Pont de Pierre » a été une étape importante du processus de réservation de celui-ci aux modes alternatifs à la voiture. Lors de la crise sanitaire, en Île-de-France ou à Nancy, des bénévoles ont effectué des comptages pour montrer que les aménagements cyclables provisoires étaient bien utilisés.
Enfin, les citoyens peuvent également participer à l’évaluation des politiques publiques. Parmi quelques exemples, on peut citer l’observatoire du plan vélo de Paris en Selle, qui a encouragé la mairie à déployer le REV ou l’observatoire des coronapistes du Collectif Vélo Île-de-France à qui on souhaite le même succès. La plus-value principale des associations est leur expertise d’usage : à Toulouse, grâce à son site VélObs,
2 pieds 2 roues permet à ses usagers de faire remonter les points noirs à la métropole, après un travail de modération.
Affaire à suivre…
Cette question du suivi et de l’évaluation des politiques cyclables fait actuellement l’objet d’une thèse en préparation à l’Université de Toulouse 2, avec le cofinancement de Tisséo Collectivités. Nous ne manquerons pas de revenir dans Vélocité pour vous en partager les principaux résultats.