Décryptage
Retour sur la session 1 de la Journée d’études FUB : Urbanisme cyclable — comment concevoir la ville pour le vélo
Trois sessions thématiques au choix étaient proposées lors de la journée d'études de la FUB, qui s'est tenue le 10 mai dernier au Mans. Retour sur la session 1 sur le thème de l'urbanisme cyclable. Comment concevoir la ville pour le vélo ? Comment aménager la ville pour le vélo ? Pour qui ? Par qui ? Les cyclistes sont-ils de bons aménageurs ? Quels enseignements tirer des nombreux aménagements cyclables dysfonctionnels ? Pour décliner localement le plan vélo, il est nécessaire en effet que tous les acteurs, de la collectivité au citoyen, se dotent d’une vision et d’une véritable expertise pour mettre en oeuvre un urbanisme cyclable.
PLU, plans directeurs, plan de circulation : des outils réglementaires au service de l’urbanisme cyclable — Exemple de Paris et Lille
De plus en plus d’outils réglementaires sont mis en place au service de l’urbanisme cyclable comme l’obligation de mise en place de locaux à vélos ou de douches sur les lieux de travail. Les Plans Locaux d’Urbanisme intègrent également des règles relatives à l’aménagement durable des villes et à la politique cyclable.
Le conseil de Paris a voté à l’unanimité en 2015 un Plan vélo avec l’objectif de passer de 5% à 15% de part modale du vélo. Objectif : répondre aux attentes des futurs cyclistes par l’amélioration de la qualité des aménagements cyclables en place et la projection de nouvelles voies. Une enquête a alors été menée sur le ressenti du public par rapport aux pistes existantes. Les résultats furent très nets : les utilisateurs ne plébiscitent pas les pistes partagées entre vélos et piétons ou entre vélos et bus, préférant les aménagements en site propre où la piste est séparée des autres modes, agréable et sécuritaire.
A Lille, il n’existe pas encore de Réseau Express vélo, la ville se concentrant sur les ruptures urbaines et le franchissement des voies ferrées, d’eau ou de circulation automobile par les pistes cyclables. Un nouveau plan de circulation a été mis en place pour contraindre les voitures dans leurs déplacements sur 2% des rues du centre-ville. Pour cela, certaines rues ont été fermées, des sens uniques tête-bêche et des boucles de détour ont été mises en place. Le vélo a donc pu se développer dans ces espaces au détriment des véhicules à moteur. Les commerçants, d’abord dubitatifs car cela représentait une diminution du nombre de voitures passant devant leurs commerces, ont finalement été satisfaits car ces aménagements ont eu un effet positif sur la fréquentation des commerces. Lille a vu le trafic cycliste augmenter de 42% en quelques mois, pour un coût jugé raisonnable de 2 millions d’euros.
Outils techniques au service de l’urbanisme cyclable
Baromètre des Villes cyclables
L’un des outils techniques concrets les plus utilisés pour l’évaluation de la qualité des aménagements cyclables est le Baromètre des villes cyclables (conçu et diffusé par la FUB en 2017). Il permet de constater la cyclabilité, le niveau de sécurité, en étudiant le ressenti des usagers et en mettant en lumière les éventuels problèmes dans les aménagements et les zones à aménager.
Charlotte Guth, responsable de la MACy (Mission des Aménagements Cyclables, à la direction de la voirie et des déplacements de la Ville de Paris), service chargé de livrer les infrastructures cyclables, a souligné l’importance de ces informations, trop souvent négligées par le passé, et la nécessité de consulter les cyclistes et les associations de cyclistes.
Comptage
Sébastien Torro-Tokodi a pu présenter les opérations de comptage réalisées par l’ADAV : les données sont collectées sur plusieurs années afin de déterminer leur évolution. Elles permettent d’avoir un impact fort sur les collectivités à l’aide de données chiffrées. En effet, c’est en amenant la preuve de la fréquentation des pistes que l’importance et la pertinence de nouveaux aménagements est soulignée.
Un panel de choix d’aménagements, adaptable à la situation :
Les aménagements cyclables et leur qualité de réalisation dépendent en grande partie du trafic et de la vitesse du flux automobile. Un réseau cohérent, continu et intuitif, ainsi que des détails de confort et de sécurité constituent une alchimie essentielle pour donner envie à de nouveaux usagers de s’adonner au vélo.
Clothilde Imbert, de la société de conseil en urbanisme cyclable Copenhagenize, a établi en exemple quatre types de pistes en fonction de la vitesse et de la fréquentation en nombre de voitures :
- peu de voitures et vitesse inférieure à 30km/h : la rue est partagée de façon visible pour que l’automobiliste s’en rende compte et que le cycliste soit/se sente en sécurité
- trafic limité et vitesse de 50 km/h : bande cyclable le long du trottoir
- trafic important et vitesse de 50 km/h : piste séparée surélevée par rapport à la voirie
- vitesse supérieure à 50 km/h : piste séparée par haie ou barrières (plutôt en milieu périurbain)
Le gain de visibilité par la couleur a été mis en avant, car quasiment absent par rapport à nos voisins néerlandais. Des acteurs de l’urbanisme, tels que les Architectes des Bâtiments de France, s’opposent à ce type de matérialisation, notamment à Paris. Des études techniques sont nécessaires pour lever ces freins, avec par exemples des chiffres sur le nombre d’accidents. Une différence de niveau par rapport au reste de la voirie permet de hiérarchiser l’espace en faisant franchir la piste aux voitures plutôt que d’obliger le vélo à descendre sur la route aux croisements, en plus de réduire les stationnements illicites.
Pour le cas des rues étroites, la seule solution est d’enlever de la place à un type d’usager pour pouvoir mettre en place un aménagement cyclable de qualité : le stationnement voiture est en général le premier à être réduit. Dans d’autres cas, on retrouve une largeur trop importante dévolue aux voies automobiles, et ici, enlever une voie ou même simplement réduire la largeur des voies ne porte pas atteinte à la capacité du déplacement automobile.
De plus en plus d’outils réglementaires et techniques sont donc mis en place pour amener les collectivités et les aménageurs à intégrer systématiquement les aménagements cyclables dans leurs projets. Avec le développement du vélo à assistance électrique, ces aménagements ont tendance à s’étendre vers les zones rurales. Le ressenti des usagers et des associations de cyclistes est progressivement considéré comme outil d’aide à la prise de décision pour la dimension technique des projets futurs.