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Pics de pollution et santé : rouler à vélo, c’est bon pour qui ?

Les pics de pollution se suivent ces derniers mois et les cyclistes s'interrogent. Rouler à vélo, c'est bon pour un air plus respirable… Mais à vélo, met-on sa santé en danger quand l'air est chargé de particules fines ? La question a fait le tour du Web. Le concentré d’Actuvélo.

Pollution : rouler à vélo, c’est bon pour qui ?

L’usage du vélo pour faire chuter les taux record de pol­lu­tion est devenu une évi­dence.

À Paris, « le print­emps sera vert », promet Con­nex­ion Trans­ports-Ter­ri­toires — une revue spé­cial­isée sur les sujets de trans­ports publics et de la mobil­ité -, en citant (lien) la maire de Paris, Anne Hidal­go. « 2017 sera l’année de la bicy­clette », avait-elle d’ailleurs lancé lors de ses vœux.

La maire détaille « sa stratégie pour faire en sorte que l’usage de la bicy­clette ren­force sa poli­tique assumée de diminu­tion du traf­ic auto­mo­bile dans la cap­i­tale ». Mais patience pour un air pur et une san­té retrou­vée, car en même temps, Les Echos annon­cent « un an de retard pour le plan vélo » et citent l’association Paris en selle qui regrette que « seule­ment 4  % des amé­nage­ments cyclables ont été réal­isés. »

La pol­lu­tion a donc ses effets sur les poli­tiques cyclables. Mais pas seule­ment. Elle ferait aus­si de nou­veaux usagers du vélo. « Pic des loca­tions de vélos sur Inter­net », titre La Dépêche. Même chose dans la région Cen­tre, dix­it une radio locale, Inten­sité, et en Bour­gogne sur le titre Vivre à Chalon. Les loca­tions de vélo entre par­ti­c­uliers et pro­fes­sion­nels sur le site e-loue.com ont vu leurs chiffres mul­ti­pliés par dix pen­dant le pic de pol­lu­tion de fin jan­vi­er, « Un vrai phénomène… partout dans l’Hexagone », note le cofon­da­teur de la plate­forme.

Si pédaler, c’est éviter de polluer… est-ce aussi s’intoxiquer ?

Pour­tant, est-il si bon de rouler à vélo partout ? Sur France Inter, Yann, parisien témoignait : « Cela fait 20 ans que je roule à vélo et depuis un mois je ne peux plus me déplac­er à vélo car l’air est devenu totale­ment irres­pirable. » L’occasion de par­ler san­té ? Même pas.

Autre coup de fil au stan­dard de la radio publique insiste sur le sujet : « Vaut-il mieux aller au col­lège à pied ou à vélo ? … Car le prob­lème est de ne pas utilis­er la voiture mais en faisant du sport on attrape des par­tic­ules fines  » C’est la ques­tion posée au bout du fil, par Romain, 14 ans, depuis Angers dans l’émis­sion Le télé­phone sonne, sur France Inter avec pour préoc­cu­pa­tion « Com­ment lut­ter con­tre la pol­lu­tion de l’air? ».

La ques­tion de la san­té est légitime. Bonne part des audi­teurs aurait sans doute voulu la pos­er. Mais l’auditeur lamb­da a dû s’agacer der­rière son poste… car la réponse n’est pas venue. « Le vélo c’est bien, il n’y a pas trop de souci », rap­porte grosso modo Pierre Radanne, ancien prési­dent de l’Ademe et prési­dent de l’association 4D (Dossiers et Débats pour le Développe­ment Durable) avant de pour­suiv­re sur la pol­lu­tion domes­tique.
L’équipe en onde n’avait apparem­ment pas anticipé la ques­tion.

D’autres médias se sont emparés du souci des Français pour leur san­té. « Faire du vélo à Paris ou en ban­lieue en plein pic de pol­lu­tion aux par­tic­ules fines… Est-ce la bonne ou la mau­vaise idée de la journée ? », inter­roge un arti­cle de France 3. La chaîne de télévi­sion grand pub­lic sort la carte de l’expert, Gilles Dixsaut, spé­cial­iste des mal­adies res­pi­ra­toires à l’hôpital Cochin, à Paris. Ses pro­pos sont clairs : « Un auto­mo­biliste reste plus exposé dans son habita­cle qu’un cycliste. (…) Il faut toute­fois éviter l’hyperventilation, c’est-à-dire rester mod­este dans ses efforts. (…) Par ailleurs, faire du vélo le long des grands axes très pol­lués n’est pas recom­mandé. Il faut même se tenir à dis­tance de ces axes, même si les pistes cyclables sont moins sen­si­bles à l’exposition aux pol­lu­ants. »

« Que l’on inter­dise le vélo en Chine, oui c’est logique. Mais à Paris, non. »

L’Express, de son côté, a choisi de relay­er les bons con­seils du prési­dent de la Société française de médecine du sport. Les pro­pos sont qua­si­ment sim­i­laires. Il pré­cise seule­ment : « Il est impor­tant de not­er que nous sommes très loin des seuils atteints dans les grandes villes chi­nois­es. Que l’on inter­dise le vélo là-bas, oui effec­tive­ment c’est logique. Mais à Paris, non. »

La Chaîne météo relaie les recom­man­da­tions de la Direc­tion générale de la san­té, respon­s­able des poli­tiques de préven­tion au sein du Min­istère : « En ce qui con­cerne la pra­tique du vélo en ville, des études ont mis en évi­dence que les béné­fices pour la san­té (liés à l’augmentation d’activité physique générée) étaient large­ment supérieurs aux risques induits, et cela même si en pédalant, on peut être plus exposé à la pol­lu­tion de l’air. (…) Seules les per­son­nes vul­nérables et sen­si­bles (asth­ma­tiques, per­son­nes âgées ou malades..) doivent lim­iter les activ­ités physiques d’intensité élevée en cas de dépasse­ment des seuils d’information et les éviter en cas de dépasse­ment des seuils d’alerte. »

Le masque ? « Cela peut ras­sur­er. Et pour­tant, ça ne sert à rien, ou presque ».

Face aux taux de pol­lu­tion des dernières semaines, cer­tains cyclistes sont ras­surés par le port d’un masque. Là encore, la ques­tion s’ouvre sur le Web : le masque est-il effi­cace pour pro­téger de la pol­lu­tion ? Dif­fi­cile de se faire un avis en sur­fant…. Car les argu­ments diver­gent.

« Cela peut ras­sur­er. Et pour­tant, ça ne sert à rien, ou presque. Les masques que l’on peut trou­ver dans le com­merce ont un effet “proche de zéro” con­tre les par­tic­ules fines PM10, c’est-à-dire d’une taille inférieure à 10 micromètres ! Seuls les masques équipés d’un fil­tre au char­bon act­if sont effi­caces, ou les masques dotés de sys­tèmes mul­ti­couch­es. » C’est l’avis de Gilles Dixsaut, spé­cial­iste des mal­adies res­pi­ra­toires, dans l’article de France 3.

Pour Lecyclo.com, site d’actualités et de vente d’accessoires pour le vélo en ligne, le masque fig­ure pre­mier par­mi les « Con­seils pour lut­ter con­tre la pol­lu­tion à vélo », mod­èles à l’appui.

Allodocteurs.fr, le site de l’émission san­té de France 5, s’est attelé à l’exercice des tests com­para­t­ifs. Le site rap­porte les résul­tats dans un arti­cle titré « Bien choisir son masque anti-pol­lu­tion ».« Si les foulards et les masques de chirurgien ne pro­tè­gent absol­u­ment pas, qu’en est-il des masques de pro­tec­tion res­pi­ra­toire ? Les masques anti-pol­lu­tion util­isés en ville par cer­tains cyclistes sont-ils effi­caces ? ». C’est ain­si que s’ouvre l’article. La jour­nal­iste s’est ren­due à l’Institut nation­al de recherche et de sécu­rité (INRS)​, où « San­drine Chazelet teste les masques pour les salariés exposés aux nanopar­tic­ules et aux sub­stances chim­iques ». Résul­tat ? « Le masque de chantier mon­tre un taux d’efficacité de 96%, des per­for­mances plutôt bonnes selon San­drine Chazelet. La même expéri­ence a été réal­isée avec le masque vélo mais pour ce masque, les fuites sont apparem­ment plus impor­tantes car en moyenne, il ne fil­tre qu’un tiers seule­ment des nanopar­tic­ules. » Suff­isant pour choisir com­ment pro­téger sa san­té à vélo dans les rues des métrop­o­les ? Pas évi­dent.

Seule­ment 2% des Français vont au tra­vail à vélo.

Si le port du masque est dis­cutable, les avis s’accordent donc : se déplac­er à vélo en plein pic de pol­lu­tion est plutôt bon pour la san­té de tous. Assez pour met­tre tous les Français en selle ? Pas encore. L’étude de L’Insee, incon­tourn­able ce mois-ci et reprise par Le Monde, note que seuls 2 % des Français vont au tra­vail à vélo, con­tre la voiture « util­isée pour 70 % des déplace­ments en moyenne ».

Notre regard sur la Toile se tourne alors vers l’État, respon­s­able des poli­tiques san­i­taires. La min­istre de l’Environnement a annon­cé fin jan­vi­er « qu’elle sign­erait la semaine prochaine un décret créant une prime de 200 euros pour l’achat d’un vélo à assis­tance élec­trique », note Sci­ences et avenir.

A côté de cela, « le min­istère de l’environnement se dégon­fle sur le vélo », titre l’émis­sion Tout Un Ray­on. Pour sa dernière émis­sion de jan­vi­er, le jour­nal­iste reçoit Chrys­telle Beur­ri­er, Prési­dente des Départe­ments & Régions Cyclables égale­ment Vice-prési­dente du Départe­ment de la Haute-Savoie. Pourquoi ? Car, comme à con­tre courant de tout ce que vous venez de lire, les Départe­ments et régions cyclables (DRC) et France vélo tourisme voient s’arrêter leurs sub­ven­tions de la part du min­istère. La prési­dente des DRC défend : “C’est un non sens au regard des prob­lèmes envi­ron­nemen­taux que l’on a (…) c’est un non sens pour la san­té publique ».

Le Min­istère ne l’a peut-être pas totale­ment saisi : le mes­sage est unanime sur la Toile : rouler à vélo, en plein pic de pol­lu­tion, c’est bon pour la san­té de tous.

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Adeline Charvet

Journaliste et chargée de mission Information à Pignon sur Rue.

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