Londres (9 millions d’habitants, 14 millions sur l’aire métropolitaine) a dû faire des efforts considérables pour améliorer la qualité de vie dans la City : pollution, odeurs, bruits, congestion… Dans les grandes mesures, le péage urbain (que l’on se refuse à mettre en place en France), et plus récemment, la naissance d’un réseau performant d’autoroutes à vélo et d’une politique forte et cohérente sur sa pratique.
En 20 ans, la pratique du vélo dans la ville-monde a augmenté de quasiment 300 % alors que l’usage des véhicules motorisés a globalement diminué de 50 %.
Des débuts hésitants
Depuis 2010, Londres dessine ses premières autoroutes à vélo. La première approche consista dans l’amélioration de la lisibilité des aménagements existants et la mise en place de solutions à moindres coûts comme la création de bandes ou le partage de voie de bus. Matérialisé par un remplissage de peinture bleue, ce premier essai fut une tentative plutôt frileuse.
Entre 2012 et 2015, l’approche a quelque peu changé. En partant d’une étude internationale sur les bonnes pratiques en matière d’infrastructures cyclables, Transport for London (TfL, l’AOT de Londres) a conduit de nombreux tests pour adapter ces bonnes pratiques à l’environnement britannique. Ces tests comprenaient entre autres différentes méthodes de séparations des cyclistes et du trafic automobile, des nouveaux marquages et programmations des feux.
Dans la recherche de l’optimisation du trafic des cycles et des piétons, un programme « Better Junctions » a été lancé pour des intersections plus sures et plus fluides, associé à un budget d’environ 1,7 M €(1).
Quand on veut, on peut
À la suite des JO de Londres en 2012, le précédent maire de Londres, Boris Johnson, avait annoncé un plan sur 10 ans à hauteur d’environ un milliard d’euros. Pour le moment, c’est environ 150 millions d’euros en moyenne dépensés annuellement pour le réseau cyclable londonien.
Les autoroutes à vélo seconde génération furent construites totalement séparées du trafic motorisé. Comme l’espace dans Londres est fortement limité, cela a bien souvent conduit à un redesign complet de la chaussée. Les concepteurs ont implanté une piste cyclable large de 4 m, tout en conservant l’espace piétons et la végétation. L’espace nécessaire a été trouvé en supprimant ou réduisant des voies de circulation, et via la suppression des séparateurs centraux.
Le rapport Traffic in the City 2018 (comptage sur 24 h sur 15 sites majeurs réalisé le 16 novembre 2017(2)) donne des chiffres impressionnants : en heure de pointe, les comptages montrent plus de cyclistes que de voitures — incluant les taxis — sur la chaussée. Au cours de la journée, l’utilisation du vélo est prédominante sur l’automobile, après un trafic piéton 10 fois supérieur. L’étude évalue la répartition de l’espace public selon le pourcentage de déplacements comptés. Les déplacements motorisés dans leur ensemble — taxi, VL , PL, TP — occupent environ 80 % de l’espace pour 25 % des mouvements observés. 9 % de l’espace public est alloué aux piétons (64 % des mouvements comptés) et 4 % aux cyclistes (7 % des mouvements comptés).
Situation à sa limite ?
Créer un réseau cohérent d’infrastructures cyclables de qualité requiert un investissement conséquent, à la fois financier et politique. La fin des 10 ans approchant, il est annoncé que le montant annuel va décroître dans les prévisions budgétaires(3). Toutefois, il semblerait que le budget vélo de TfL n’est pas près de décroître avec l’annonce d’environ 200 M €/an d’investissement. Le cycliste étant maintenant l’un des usagers majoritaires, l’Assemblée de Londres s’accorde pour dire que le budget associé doit être proportionnel.
De plus, le potentiel de développement de la pratique est encore là. En 2016, il était estimé qu’encore la moitié des trajets réalisés par voiture pouvaient l’être à vélo(4).
Carole Kaouane
En partie traduit et inspiré des news de l’ECF : goo.gl/tXFDVU
(1) goo.gl/JKkBVH
(2) Rapport Traffic in the city 2018 : goo.gl/xAkN2T
(3) goo.gl/ATmnKh
(4) goo.gl/q4LDaF
(5) goo.gl/bcT9n
Pendant ce temps en France…
Londres semble avoir pris en considération que d’une part, l’espace associé aux différents modes de transport ne doit pas être pris au détriment des usagers vulnérables, d’autre part les aménagements doivent être de qualité pour attirer une forte population et réduire les risques de conflits. Pendant ce temps, Paris donne l’impression de rétropédaler après une certaine effervescence autour du vélo : fermeture des voies sur berges remise en cause par le tribunal administratif, Réseau Express Vélo du boulevard Maréchal Leclerc bloqué… Il se dit qu’à Paris, les déplacements motorisés individuels occupent 50 % de l’espace public pour 13 % des déplacements (voies de circulation et stationnement en surface compris)(5). Pour une ville qui manque de place, le vélo serait encore le moyen le plus efficace.
Un article à lire aussi dans Vélocité n°145 — mars-avril. 2018, une publication de la FUB