« Si on peut inciter à l’usage de la bicyclette sur les cinq premiers kilomètres, on peut réduire le trafic dans les villes de 40 % : ce qu’aucune autre technologie ne peut faire »
Graziano Delrio (Ministre italien des Infrastructures et des Transports)
Alors que notre ministre en charge des transports Elisabeth BORNE va annoncer dans le prochaines semaines un plan vélo national à vocation interministérielle, le ministre des Transports italien se félicite de l’adoption d’une loi cadre intitulée «Dispositions pour le développement de la mobilité à vélo et la réalisation d’un réseau national de pistes cyclables ».
Un plan italien sincère et assumé
Le président de la FUB, Olivier SCHNEIDER, l’avait martelé le 13 décembre: “il faut un plan vélo national sincère, assumé et financé”. L’Italie — de son côté — assume. Graziano DELRIO, ministre des Transports, est convaincu que l’Italie est en bonne voie pour régler de multiples problèmes : « Si on peut inciter à l’usage de la bicyclette sur les cinq premiers kilomètres, on peut réduire le trafic dans les villes de 40 % : ce qu’aucune autre technologie ne peut faire » [1]. Ces dernières années, Delrio a mobilisé une partie de ses troupes pour mettre en place 5 000 km de réseau dédié, avec plus de 370 M€ injectés sur 2016–2017, et ce, malgré l’absence d’un plan vélo en tant que tel. Le vote de la loi-cadre renforce maintenant ses actions et leur donne une cohérence. Les collectivités et l’État n’ont pas simplement l’obligation de faire des itinéraires sécurisés lors de la rénovation d’un axe, ils doivent construire un réseau national cohérent (et en accord avec le cahier des charges EuroVélo) et encourager la mobilité à vélo en toutes circonstances. Le vélo n’est plus un tabou, c’est maintenant une solution en Italie, qui compte faire d’une pierre deux coup : développer fortement le tourisme à vélo, générateur d’emploi et de valorisation du territoire d’une part, et améliorer considérablement la qualité de vie dans les centres urbains, sur-pollués, d’autre part. La complémentarité vélo — transports publics est fortement encouragée par la loi, l’embarquement devra être prévu d’une manière ou d’une autre. [2]
Un plan italien financé
A peine quelques jours après le vote de la loi, un décret débloquait 14.8 millions d’euros à répartir entre les régions et les provinces italiennes pour sécuriser et améliorer (voire créer) les itinéraires cyclables dans les zones urbaines de plus de 200 000 habitants, avec une attention particulière sur la résorption des coupures urbaines et la création de pistes protégées [3]. Comme le financement de l’Etat sera de 50 % pour chacune des actions menées dans les régions, cela annonce un premier investissement d’au minimum 30 millions d’euros.
Des indicateurs clés
Le vélo, c’est rentable. Le message est déjà bien imprimé dans les esprits. Les études concernant le grand raccordement périphérique autour de Rome indiquent un retour d’investissement d’environ 7 millions d’euros dès la première année [4], alors que le projet, planifié sur le budget de l’Etat en 2016, mesure 44 km et devrait coûter autour de 10 millions d’euros. Un rapport de l’association environnementaliste italienne Legambiante [5] — basé sur les données de l’European Cyclists’ Federation [6] — estime que les retombées économiques du vélo s’élèvent déjà à un total d’environ 6 milliards par an en Italie. Dans le détail, on retrouve environ 2 milliards engendrés par le tourisme à vélo, 1 milliard d’économie sur les coûts liés à la sédentarité, et presque 1 milliard de bénéfices liés, entre autres, à l’autonomie des enfants. A noter que ce rapport date de 2015, à l’époque où la part modale vélo en Italie était évaluée à environ 4%.
Néanmoins, le rapport Legambiante indique clairement qu’il est très complexe d’avoir une évaluation précise, en considérant le manque de données sur l’impact réel du développement du vélo. Comme c’est un effet dominos de bienfaits économiques, sanitaires et sociaux, les chiffres publiés en 2015 sont probablement sous-estimés.
L’obligation d’émettre des rapports annuels, ainsi que l’investissement fort de la société civile italienne, assurent le suivi de l’application de la loi. À défaut d’être prise immédiatement en exemple, l’Italie sera un observatoire pour l’Europe méditerranéenne sur la mise en application d’une politique cyclable assumée.
Une inspiration pour la France
Revenons en France. Alors que les études montrent déjà que le vélo est un moteur sur un plan économique, alors que l’on a d’ores et déjà identifié les facteurs qui incitent à la pratique du vélo et qui en augmente la part modale, certains aménageurs n’ont toujours pas intégrés la culture vélo. La première édition du “Baromètre parlons-vélo des villes cyclables”, menée par la FUB, tranche sur les ressentis généraux des cyclistes français.
Dans les chiffres remarquables : 80% des répondants souhaitent des itinéraires séparés de la circulations automobiles et 90 % estiment que les conditions actuelles ne sont pas suffisamment sécurisées pour les enfants et les personnes âgées.
Le manque de respect de la part des véhicules motorisés est un frein considérable à la pratique du vélo pour 90 % des répondants, qui constatent fréquemment du stationnement automobile illégal sur les itinéraires cyclables. Enfin, pouvoir se déplacer c’est bien, pouvoir se stationner en sécurité c’est encore mieux.
92% des participants pensent que le vol de vélo est fréquent, et craignent pour la sécurité de leur vélo et… seuls 20% estiment pouvoir garer facilement leur vélo en gare.
Pour les 8% de répondants non-cyclistes, les principaux freins au passage à l’acte sont le manque d’infrastructures disponibles et un fort sentiment d’insécurité.
Pour sa première édition, le baromètre a obtenu 113 009 réponses. C’est presque 0.2 % de la population française. Mais surtout, c’est quatre fois la mobilisation citoyenne obtenue sur la plateforme internet des Assises de la mobilité. Interpellés directement sur le vélo, nos concitoyens se sentent concernés, du moins plus que par d’autres thématiques proposées à l’examen sur le site des Assises. Le vélo, c’est concret, et le public est prêt à l’accepter, si on lui donne la place pour qu’il développe son plein potentiel.
Les résultats détaillés du baromètre, ville par ville, seront annoncés le 16 mars au Congrès de la FUB. Ils permettront de discerner les attentes locales. Mais les premier résultats viennent simplement valider les revendications de la FUB pour un plan vélo national. Entre autres :
- >Un appel à projet pour le financement de territoires 100 % cyclables (réseau cyclables connecté, sécurisé et resorption des coupures urbaines) estimé à 100 millions d’euros par an.
- >L’apprentissage de la mobilité à vélo dès l’école primaire
- >La mise en place d’un plan de stationnement intermodal sécurisé et de lutte contre le vol de vélos.
On connait donc les effets bénéfiques du vélo et les attentes des citoyens. Seules manquent des politiques cyclables réellement ambitieuses. Le temps que tout le monde soit conscient qu’une ville pour vélo est beaucoup plus humaine, plus inclusive, qu’une ville qui s’est laissée envahir par les voitures.
Le Plan vélo en France, c’est pour quand?
Le 24 novembre au Palais des Congrès, Elisabeth BORNE organisait la ‘journée internationale’ des Assises de la Mobilité. L’invité d’honneur était… le ministre italien Graziano DELRIO.
Du coup, ce n’est peut être pas un hasard si à la clôture des Assises de la mobilité, la Ministre Borne a annoncé un futur plan national vélo à vocation interministérielle. Il reste à savoir si ce plan sera enfoui au sein d’une loi générale sur les mobilités, où si il en sera une pièce maîtresse. Son alter-ego italien assume le vélo comme une solution technique sans égal contre la congestion et l’amélioration de la vie dans les centres urbains. Le vélo ne doit pas juste être considéré comme le dernier recours dans le choix de transport, ou seulement comme un outil de loisir et de tourisme. Faciliter la mobilité à vélo est une solution pour le plus grand nombre. C’est une réponse rapide à l’accroissement du besoin de mobilité dans les métropoles, de plus en plus denses et souffrant de plus en plus régulièrement de la pollution. Il demande moins d’énergie que la marche, pour de plus longues distances sur des temps plus courts. En ville, la visibilité nécessaire à la fluidité des déplacements à vélo, pour le rendre encore moins dépensier en énergie, peut être obtenue en laissant aussi plus d’espace aux piétons et aux personnes à mobilité réduite, tout en apaisant de fait la circulation automobile. En complémentarité avec un réseau ferroviaire fort, il est la solution idéale pour la mobilité entre les grands pôles urbains. Enfin en périurbain, il peut permettre le rabattement rapide sur les transports publics et augmenter leur fréquentation, pour peu que les conditions soient mises en places sur des routes où la vitesse est souvent élevée. Les chiffres associés aux politiques cyclables audacieuses et efficaces existent en Europe. En France, ils sont moins visibles. Mais si on observait rigoureusement avec des indicateurs appropriés une politique constante et cohérente sur le vélo, il est peu risqué de dire que les premiers bienfaits seront visibles dans les 18 premiers mois.
D’où l’appel de la FUB :
Madame la Ministre, surprenez nous par votre audace et, à l’instar de votre homologue italien, financez dès aujourd’hui des appels à projets sur des territoires pilotes, aidez les collectivités à résorber les coupures urbaines. Demain, mettez le plan national vélo au service du maillage de la fine dentelle des mobilités. La sécurité routière porte déjà la cause de l’apprentissage de la mobilité à vélo, vous avez le pouvoir de donner de l’espace au vélo et aux futurs cyclistes pour qu’ils réalisent ce qu’aucune autre technologie ne peut.
Olivier Schneider, président de la FUB
Carole Kaouane
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Note des auteurs:
Cette loi est le fruit d’une volonté politique, en grande partie portée par la Fédération Italienne des Amis de la bicyclette (FIAB) qui a su constituer un groupe de parlementaires pour le vélo, qui depuis 2012 est de plus en plus actif. De façon similaire, vous pouvez aider la FUB a faire adhérer vos parlementaires et vos représentants à la solution vélo en vous saisissant du plaidoyer sur www.parlons -velo.fr La FIAB et la FUB sont membres de l’ECF et ont bénéficié du leadership programme financé par le Cycling Industry Club.
[1] http://www.mit.gov.it/comunicazione/news/approvata-legge-mobilita-ciclistica
[2] https://ecf.com/news-and-events/news/fiabs-advocacy-success-marks-great-start-2018-italy%E2%80%99s-brand-new-cycling-law
[3] http://www.mit.gov.it/comunicazione/news/148-mln-di-euro-alle-regioni-per-la-sicurezza-dei-percorsi-ciclabili
[4] http://www.adnkronos.com/sostenibilita/in-pubblico/2016/05/04/grab-grande-raccordo-anulare-delle-bici-roma-vale-milioni-euro-anno-video_FFjhwbjKmtuMJenf4HA69N.html?refresh_ce
[5] https://www.legambiente.it/sites/default/files/docs/rapporto_la_bi_ci.pdf
[6] ECF European Cyclists’ Federation – The EU cycling economy, 2016 - https://ecf.com/groups/eu-cycling-economy
C’est très encourageant. Les propos du ministre que vous citez au début de l’article jettent une belle pierre dans le jardin des techno-fans qui sont légions au pays de la (pseudo) French Tech.
Allez Elisabeth !!!!