Décryptage
Véhicule autonome ou vélonomie, il faut choisir !
Les Véhicules Autonomes (VA), c’est le futur que l’on touche du doigt à l’idée de pouvoir faire une sieste en se rendant au travail. Ils arriveront dans quelques années, nous promettent les constructeurs. Certains cyclistes s’en réjouissent : fini les dépassements dangereux et le stationnement illicite ! C’est oublier un peu vite les transformations du système de mobilité…
Les voitures autonomes : un rêve de sécurité, mais plus encore
Au-delà du confort (et du rêve) vendu par les VA, l’un des principaux arguments en leur faveur est la sécurité routière. Alors que 68% des cyclistes tués et 84% des piétons tués l’étaient suite à une collision avec un véhicule motorisé, on peut aisément se dire que des VA auraient sauvé des centaines de vies.
Chronique d’un effet rebond annoncé
Les constructeurs anticipent avec les VA une diminution des coûts de mobilité. La bonne nouvelle s’arrête cependant là, puisque l’Histoire a montré que la diminution des coûts se traduit par une augmentation des distances parcourues. Ce qui est vrai pour l’avion l’est aussi pour l’automobile, et devrait s’amplifier avec les VA : une diminution des coûts (monétaires et non monétaires) de la mobilité entraînera une augmentation de trajets effectués et de la longueur de ceux-ci. L’écoconduite n’y fera rien, il faut s’attendre à une augmentation de la pollution et de la congestion. Il faudra en effet ajouter aux déplacements actuels des milliers de trajets effectués à vide par des véhicules pour lesquels rouler sera moins cher que stationner, qui devront rejoindre leur propriétaire ou le client, chercher une livraison, etc.
Toujours plus loin, le périurbain
Le VA ne fait pas exception à la logique des transports. Si le temps et le coût de déplacement sont deux facteurs expliquant les stratégies de localisation des ménages ; on peut également y ajouter l’effort physique ou bien la perception d’utilité du temps. C’est ce dernier critère notamment qui explique l’« effet TGV » dans de nombreuses villes françaises : des cadres parisiens peuvent se permettre d’avoir des temps de transport importants, puisqu’il est possible de travailler pendant que l’on se déplace, travail suffisamment rémunérateur pour contrebalancer le coût de la mobilité. Cependant, là où l’« effet TGV » se concentre dans les métropoles (pour le meilleur et pour le pire), le VA annonce une périurbanisation générale. Qu’est-ce qui empêchera demain les plus aisés, qui résident déjà sensiblement plus loin de leur travail que la moyenne des français, de s’éloigner encore plus des villes ? De faire sa journée de télétravail en même temps que la voiture nous emmène en week-end à Bayonne, puis d’animer une visioconférence pendant que l’on se rend chez sa grand-mère à Nice ?
L’automobile est largement responsable de la périurbanisation et de l’étalement urbain, rien n’indique que les VA permettront d’inverser la tendance. À l’inverse, nos villes moyennes, pas assez « branchées » pour attirer les cadres et les touristes, poursuivront leur lente décroissance avec le départ de tous ceux qui pourront se permettre cette mobilité sans contrainte.
Véhicule autonome ou vélonomie, il faut choisir
La FUB et ses associations sont en effet porteuses du vélo comme une transformation de la ville et de la vie, que l’on peut résumer en un mot : la vélonomie. Des vélo-écoles qui apprennent à faire du vélo, des ateliers qui apprennent à réparer soi-même son vélo, une appropriation de l’espace urbain, un contact direct avec les éléments naturels,… Sans tomber dans un lyrisme excessif, il faut reconnaître que le vélo, objet «convivial» par excellence, est un formidable outil d’émancipation individuelle.
Rien de tout cela, au contraire, avec le VA. D’abord, il s’agit d’une consécration de la technologie comme solution au climat, vision d’autant plus erronée qu’elle néglige le coût environnemental des matières premières à extraire ou le coût énergétique des données numériques produites (jusqu’à 1GO par seconde !). Ensuite, le VA incarne à l’extrême l’absence de résilience des sociétés modernes : aucun individu ne sera capable de réparer son véhicule, rempli d’électronique. Enfin, la dépendance aux logiciels ne peut que générer une perte de conscience de son environnement, des distances, de la géographie,… On traverse des territoires sans les regarder, ne laissant au passage que quelques nuisances sonores.
Au final, pas besoin d’investir des centaines de milliards d’euros dans des logiciels intelligents, la solution est sous nos yeux. L’insécurité routière sera réduite par une transition vers une société moins routière. La fuite en avant que constitue la technologie embarquée dans des VA ne pourra que créer plus de problèmes qu’elle n’en résout. La mobilité autonome, si elle doit se développer, doit l’être au service de la ville, par exemple autour de transports en commun.