Décryptage

Les associations des petites et moyennes villes resteront-elles sur le bas-côté ?

En février 2020, Séraphin, administrateur de la FUB, a parcouru le sud de la France à vélo à la rencontre d’associations du réseau FUB. Profitant de la dynamique impulsée par le Baromètre des villes cyclables et à l’approche des élections municipales, le système vélo entrait enfin dans les débats et les ambitions politiques. Et c’était sans compter sur les bouleversements qui ont suivi le déconfinement. Cependant, le décalage semble parfois immense entre associations des grandes villes et les autres. Un souci que nous expose ici Séraphin.

Le vélo, symbole ou cause d’une fracture territoriale ?

Comme l’avait écrit Vélo en Têt dans son jour­nal en 2017, « le vélo s’imposera à Per­pig­nan » : la bataille cul­turelle est gag­née dans les grandes villes. Même si les niveaux d’ambition sont vari­ables, peu de can­di­dats s’opposent encore au vélo. Les asso­ci­a­tions de Toulouse et de Mont­pel­li­er pré­par­ent le coup d’après : l’utilisation des élec­tions pour jouer la surenchère en faveur du vélo, la co-con­struc­tion des poli­tiques cyclables, la mon­tée en gamme des amé­nage­ments, l’affirmation d’un dis­cours d’opposition des modes.

À l’inverse, dans les com­munes plus petites, la vic­toire politi­co-médi­a­tique portée par la FUB au niveau nation­al se fait assez peu ressen­tir, et les cyclistes y sont mal­traités. À Arles, Aigues-Mortes ou Béziers par exem­ple, le vélo est totale­ment absent des élec­tions, et le tra­vail parte­nar­i­al avec les col­lec­tiv­ités est dans l’ensemble absent. Seule la per­spec­tive de pié­ton­ni­sa­tion du cen­tre-ville his­torique sem­ble aller dans le sens d’un amé­nage­ment plus en faveur du vélo. Il faut dire qu’il y a là une absence totale de cul­ture vélo de la part de l’ensemble des acteurs. Le vélo y sem­ble réservé aux grandes villes, à l’image des com­munes val­orisées par le Baromètre, où sont sous-représen­tées les com­munes rurales (non-bal­néaires) et de ban­lieue.

Une dynamique associative qui renforce le déséquilibre

La crainte de voir le vélo creuser les écarts entre les ter­ri­toires se ren­force par l’analyse des dynamiques asso­cia­tives. Alors que Véloc­ité Mont­pel­li­er est sans con­teste l’association locale qui con­tribue le plus à la fédéra­tion nationale (on par­le de Stras­bourg ou Greno­ble comme cap­i­tales du vélo, peut-être peut-on par­ler de Mont­pel­li­er comme cap­i­tale du mil­i­tan­tisme pro-vélo ?), les asso­ci­a­tions plus petites sont par­fois très dis­tantes du réseau : nom­bre d’entre elles ne se ren­dent jamais aux con­grès, et se posent même la ques­tion de leur réad­hé­sion, tant la dis­tance cul­turelle sem­ble se ten­dre. Cer­taines n’ont pas pris le tour­nant « lob­by­ing » de la FUB, d’autres peinent à voir les ser­vices ren­dus par la FUB aux asso­ci­a­tions…

En par­al­lèle, les asso­ci­a­tions des plus grandes villes se struc­turent petit à petit pour porter un pro­jet plus large,
à l’image de Véloc­ité Mont­pel­li­er ou d’ADAVA qui ont de plus en plus d’adhérents, voire des antennes, dans les villes périphériques. Les mil­i­tants sor­tent des murs de la ville-cen­tre pour diag­nos­ti­quer et sen­si­bilis­er tout leur ter­ri­toire. Véloc­ité Mont­pel­li­er a ain­si organ­isé un tour des villes voisines pour amen­er le vélo dans les débats munic­i­paux de la métro­pole ; des mil­i­tants d’ADAVA ont passé du temps à diag­nos­ti­quer et car­togra­phi­er les amé­nage­ments cyclables des villes et vil­lages du Pays d’Aix…

En quête de dynamique et de péren­nité pour leurs asso­ci­a­tions, et faute de tra­vail parte­nar­i­al riche avec les col­lec­tiv­ités, les petites asso­ci­a­tions se tour­nent vers d’autres acteurs : la Roue qui Tourne tra­vaille à Castel­naudary grâce à des parte­nar­i­ats avec des entre­pris­es, pour appro­fondir son cœur d’activité qui est l’insertion par la mobil­ité ; Con­vibi­cy,
à Arles, après le départ de sa prési­dente et fon­da­trice, souhaite repar­tir sur une approche cul­turelle inter-asso­cia­tive, après plusieurs années passées à ten­ter sans suc­cès du lob­by­ing. L’exemple de Castel­naudary mon­tre toute­fois que
la con­stance, la fia­bil­ité et la con­struc­tion de parte­nar­i­ats peut être la solu­tion pour acquérir une recon­nais­sance locale.

Le rôle de la FUB à interroger

L’attention médi­a­tique mais aus­si les grands événe­ments sont faits prin­ci­pale­ment dans et pour les grandes villes. Le souhait d’intégration des plus petites struc­tures est toute­fois présent. Des événe­ments plus petits, plus spé­ci­fiques, pour­raient ain­si être pen­sés. Des liens plus étroits entre l’association accueil­lant le con­grès et les petites asso­ci­a­tions régionales pour­raient être tra­vail­lés.

Ces dynamiques dif­férentes inter­ro­gent le posi­tion­nement de la FUB : les gross­es asso­ci­a­tions tien­nent au principe de sub­sidiar­ité et souhait­ent plus d’autonomie, là où les petites struc­tures sont en attente d’accompagnement. Le ques­tion­naire Par­lons Vélo des munic­i­pales en est un bon exem­ple : les gross­es asso­ci­a­tions avaient déjà un ques­tion­naire prêt par­fois plusieurs mois avant le scrutin et toutes ne se sont pas con­for­mées au mod­èle FUB. Les petites asso­ci­a­tions avaient, quant à elles, besoin d’être accom­pa­g­nées pour utilis­er l’outil mis à dis­po­si­tion par la FUB et ont assez large­ment appré­cié un out­il « clé-en-main », avec des ques­tions servies sur un plateau.

La struc­tura­tion régionale pour­rait apporter une réponse à toutes ces inter­ro­ga­tions. D’une part, le besoin de par­ler d’une seule voix s’est par­fois fait ressen­tir pour peser sur les déci­sions départe­men­tales et régionales (sché­mas d’aménagement, inter­modal­ité, accom­pa­g­ne­ment des petites col­lec­tiv­ités…). D’autre part, les petites asso­ci­a­tions souhait­ent prof­iter de la dynamique des grandes villes et béné­fici­er d’échanges avec les autres struc­tures locales. Cette dynamique est à l’oeuvre dans de nom­breuses régions, en pre­mier lieu en Ile-de-France. Mais, alors qu’elle est remise sur le tapis depuis des années, elle peine à s’établir. Les élec­tions ter­ri­to­ri­ales de 2021 devraient redonner du sens à cette néces­saire coopéra­tion locale !

Asso­ci­a­tions ren­con­trées :
2 Pieds 2 Roues (Toulouse), La Roue qui Tourne (Castel­naudary), La Casa Bici­cle­ta et Vélo en Têt (Per­pig­nan), Veloci­u­tat (Béziers), La Roue Libre de Thau (Sète), Véloc­ité (Mont­pel­li­er), référent local Munic­i­pales Par­lons Vélo (Aigues-Mortes), Con­vibi­cy (Arles), ADAVA (Aix-en-Provence).

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