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Ils n’étaient pas deux mais 1 500
L’élément déclencheur qui permet de passer à la vitesse supérieure, c’est parfois un élu récalcitrant qui le fournit par un propos maladroit. Exemple à Montpellier à l’automne dernier.
Tout commence le samedi 20 octobre 2018, par une petite phrase prononcée par Philippe Saurel, maire de Montpellier et président de la Métropole, interrogé à l’occasion de l’inauguration de la toute première route métropolitaine effectuant le contournement d’une des villes de la métropole. Le reportage est orienté sur les infrastructures cyclables, en particulier du fait que sur cette nouvelle construction aucun itinéraire cyclable n’a été prévu.
Philippe Saurel – « Quelque part, le vélo est utilisé mais pas particulièrement à l’intérieur du centre-ville. »
Journaliste – « Il n’est pas utilisé, parce justement il manque des infrastructures ? »
Philippe Saurel – « Vous savez, faire une infrastructure pour qu’elle soit utilisée par deux personnes, c’est peut-être pas l’idéal. »
Des propos inacceptables
Trois jours plus tard alors que la séquence commence à tourner sur les réseaux sociaux, le hashtag #JeSuisUnDesDeux apparait par un ancien motard reconverti au vélo. Très vite relayé dans les réseaux de vélotaffeurs Montpelliérains sur Twitter, il devient rapidement viral. Ce sont en effet de 6 à 10 000 cyclistes quotidiens pour 46 500 déplacements qui pourraient se dire « #JeSuisUnDesDeux ». Pour toutes celles et ceux qui utilisent le vélo comme moyen de transport, ces propos sont d’autant plus inacceptables que les attentes sur les infrastructures sont très fortes (pas encore de tourne à droite, ni de double sens cyclable). Les propos du maire sont donc de toutes les conversations et la presse s’en mêle : ça parle vélo à Montpellier et c’est ce qu’il fallait…
En parallèle, Vélocité Grand Montpellier fête ses 20 ans en 2018. Comme beaucoup d’associations, elle a connu des hauts et des bas au cours des années et est dans une phase de transition. Des idées intéressantes circulent mais les forces vives ne sont pas toujours suffisantes pour les mettre en œuvre. Vélocité reste une association très active et vient par exemple d’organiser un mois auparavant une conférence sur le « retour de la bicyclette » avec Frédéric Héran.
L’occasion de reprendre sa place
Cette conférence a d’ailleurs rencontré un vif succès, avec la participation de 130 personnes au lieu de 50 attendues. L’organisation de cet événement a permis de confirmer que les attentes des cyclistes Montpelliérains étaient très fortes mais surtout qu’un public très divers était capable de se mobiliser. De plus, le discours même de Frédéric Héran a donné quelques clefs, comme par exemple le besoin d’un élément déclencheur pour un véritable retour de la bicyclette. Avec les propos du maire, Montpellier tenait cet élément déclencheur qui devait permettre au vélo de reprendre sa place dans la ville et dans l’actualité.
Rapidement au sein de Vélocité, une recrue récente suggère qu’il faut réagir. Tout le monde est bien sûr d’accord sur le principe car les propos du maire sont vus comme un camouflet par tous les cyclistes du quotidien. Les débats portent sur la forme : communiqué de presse, comptage de vélos… ? Finalement, après discussions, il est décidé d’organiser une vélorution. Le 31 octobre, l’événement est annoncé ; Vélocité espère 200 cyclistes et rêve de 500.
D’innombrables discontinuités
Le 10 novembre 2018, lors de la manifestation cycliste citoyenne #JeSuisUnDesDeux, ce sont finalement près de 1 500 cyclistes de tout âge qui affluent. Ils démarrent le parcours en passant symboliquement deux par deux sous l’arc de triomphe afin d’être comptés, roulant dans les rues de l’hypercentre de Montpellier pour terminer sous les fenêtres de monsieur le Maire. Sans couleur politique ni bannière, tous réunis pour la cause du vélo et appeler à une réelle prise en compte des besoins des cyclistes par les décideurs. Car non, comme le croit pourtant encore la mairie de Montpellier, le vélo n’est pas qu’affaire de « citoyens écologistes », de sportifs ou de bobos. C’est, pour la plupart des usagers montpelliérains, le moyen de transport pour le plus efficace pour rejoindre un point A et un point B, mode de transport clairement sous-exploité dans cette ville du fait du manque d’infrastructures et en particulier des innombrables discontinuités du réseau, qui est par ailleurs très mal entretenu. Le climat est propice à l’usage du vélo, la ville est plutôt plate, mais rien n’y fait, le vélo n’est pas encore considéré comme il le devrait.
Après quatre ans sans concertation
À la suite de cette mobilisation sans précédent et après quatre ans sans concertation véritable, Montpellier Méditerranée Métropole a nommé un chargé de mission vélo et créé un comité de pilotage ayant pour but de faire le lien entre usagers et services de la métropole sur la question du vélo.
Le 12 janvier, après qu’un piéton a été renversé par un automobiliste sur un passage protégé, Vélocité a organisé un Die-In sur les lieux de l’accident. Préparé en deux jours, associant Montpellier à pied et la Ligue contre la violence routière de l’Hérault, l’événement a réuni 100 personnes qui ont appelé à une ville apaisée.
Et pendant ce temps #JeSuisUnDesDeux continue à vivre sa vie son forme de hashtag ou d’autocollant sur de nombreux vélos et il semble bien motivé pour continuer à subsister.
Au vu de la flambée des adhésions depuis le 10 novembre, on attendait lors de l’assemblée générale annuelle de l’association le 31 janvier une affluence record, qui risque bien de dépasser « seulement deux personnes » et qui sera probablement fondatrice du renouveau tant attendu du vélo à Montpellier et sa métropole.
La dynamique vélo est lancée et certains et certaines regorgent d’idées…
Nicolas Le Moigne