La Tribune
Le vélo comme outil de travail : la Tricyclerie témoigne
On sait tout ce que peut apporter le vélo à ses nombreux utilisateurs au quotidien, mais le vélo, c’est aussi un outil de travail bon pour la planète, la société et les travailleurs. La Tricyclerie est une association de gestion des bio-déchets située à Nantes. Le plus : les bio-déchets sont collectés à vélo grâce à des remorques spéciales. Pour Actuvélo, Coline Billon nous explique le principe.
Est-ce que tu peux nous expliquer en quelques mots le projet ?
La Tricyclerie, c’est un concept assez simple qui mixe le cycle des déchets avec le vélo. Concrètement, nous organisons la collecte de déchets organiques chez des professionnels et la valorisation de ces déchets. Nos utilisateurs, ce sont donc des épiceries, des immeubles de bureau (avec souvent une bonne production de marc de café), et bien sûr des restaurants, nos premiers et principaux contributeurs. Aujourd’hui, nous collectons auprès de 30 restaurants et 10 immeubles de bureaux, ce qui fait environ 2,5 tonnes de déchets par mois. Ce volume est ensuite composté sur 2 sites, puis distribués dans des jardins ou auprès de maraîchers de la métropole nantaise.
L’activité se développe en permanence, puisque il y a une nouvelle demande par semaine. Aujourd’hui, nous sommes donc 2 salariées et 2 services civiques, et une vingtaine de bénévoles nous aident sur la collecte, la distribution de compost, et les trucs qui les éclatent ! C’est une aventure collective !
Qu’est-ce qui fait rentrer les professionnels dans votre circuit ?
Pour la plupart de nos clients, la motivation première est de ne pas mettre leurs déchets organiques à l’incinération, sachant qu’ils produisent principalement des épluchures. Par ailleurs, notre activité leur offre un petit plus en termes de communication : faire partie du réseau de la Tricyclerie, c’est un gage de qualité pour beaucoup de nantais-e-s, et donc de nouveaux clients potentiels.
Pourquoi avoir choisi le vélo ?
Bio-déchets et vélo sont venus ensemble dès le départ ! Je faisais beaucoup de vélo en ville, voire même, il m’arrivait de pédaler des dizaines de kilomètres pour aller poser mes bio-déchets chez mes parents. J’ai d’abord proposé à des amis d’emmener leurs déchets. Et c’est ainsi qu’est née la Tricyclerie.. A Nantes, il y a déjà de nombreuses boites à vélo, c’est un écosystème dans lequel la Tricyclerie s’insère. Le vélo, c’est une logistique urbaine très pratique, très conviviale, et adaptée à nos volumes. Pour être tout à fait honnête, parfois, en tournée, la pluie, c’est un peu lourd ! Mais ça nous permet de rencontrer les gens, de discuter, de déstresser, et donc, ça compense largement.
N’est-ce pas trop compliqué, la logistique vélo ?
C’est sûr, le vélo limite notre volume, même si on achète des nouvelles remorques, même si on lance des nouvelles tournées. Nous touchons vraiment aux limites du vélo lorsqu’il faut aller livrer le compost, parce que les maraîchers sont trop loin pour nous. Nous demandons donc aux maraîchers de venir chercher le compost au détour d’un aller-retour à Nantes, par exemple en venant vendre leur production au marché.
Mais nous nous adaptons beaucoup, nous préparons les parcours en fonction de la demande des professionnels, et puis nous cherchons des lieux de compostage proches du centre-ville. Les actuels sont déjà pleins. Il faut alors imaginer des partenariats (un théâtre et son parking, des friches, des lieux de jardinage…).
La collecte et la valorisation, c’est votre seule activité ?
Initialement oui, mais désormais, l’autre partie de l’activité est d’accompagner les porteurs de projets situés dans d’autres villes. Nous montons un guide d’accompagnement et nous apportons des réponses spécifiques aux questions qu’on nous soumet très régulièrement. Avant, cela prenait beaucoup de notre temps d’accompagner les gens, et pour continuer à pouvoir vivre du projet, cette activité doit être rémunératrice. Notre modèle peut s’adapter à chaque ville, et donc l’activité va se développer un peu partout. Notre objectif, c’est d’être une “freechise” : le porteur de projet est libre d’utiliser le nom à condition d’acheter le matériel chez nous, et de cotiser pour bénéficier d’un accompagnement. C’est le principe de la franchise mais avec beaucoup plus de liberté.
Et puis en ce moment, nous aimerions bien transformer l’association en SCIC [Société coopérative d’intérêt collectif].
Est-ce que tu crois que le vélo est un outil de travail qui a de l’avenir?
Oui ! C’est un outil parfait tant que les projets sont adaptés. Il faut accepter la lenteur et les limites inhérentes à l’outil, nos propres limites physiques ou les limites matérielles. Le vélo est une solution hyper flexible, ça crée des opportunités géniales d’activités, que ce soit en termes de déplacement (on peut être coiffeuse sans salon), ou en termes de portage. On le voit bien avec les Boites à Vélo Nantes, il y a plein de possibilités. Il ne faut pas oublier le plaisir, surtout quand tu doubles plein de voitures le matin !
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite lancer une activité économique à vélo ?
Très simplement de profiter du nombre de personnes que tu vas pouvoir rencontrer à vélo dans tes journées ! L’aspect humain est vraiment hyper important, pour moi, cela représente peut-être les plus beaux moments de la journée.
Merci Coline !