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Retour sur un congrès « grand cru »

Du jeudi 6 février au samedi 8 février, Bordeaux était la capitale du vélo. Pour son 20e congrès, la FUB était accueillie par les associations bordelaises pilotées par Vélocité Bordeaux. Les hôtes ont mis le paquet pour que ces journées permettent des échanges fructueux. Note d’ambiance.

Une remise de prix sous le signe du féminisme

La FUB avait choisi ce qu’il y a de plus beau à Bor­deaux pour annon­cer le pal­marès du sec­ond baromètre Par­lons vélo des villes cyclables jeu­di 6 févri­er : le Palais de la Bourse, mag­nifique bâti­ment XVIIIe qui se reflète dans le célèbre miroir d’eau sur la Garonne. Aus­si beau à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Et les invités n’ont pas non plus été déçus avec une pétil­lante maître de céré­monie venue présen­ter une à une les villes lau­réates : Albane Godard, très engagée avec « Femmes en mou­ve­ment », réseau féminin de la mobil­ité et du trans­port. Elle a fait mouche en criblant son dis­cours de références ciné­matographiques et d’expressions cyclistes, mais aus­si en met­tant en avant son intérêt pour les déplace­ments des femmes dans un espace conçu par des hommes.

Les « angles morts » de la loi d’orientation des mobilités

Pierre Serne, prési­dent du Club des villes et ter­ri­toires cyclables, Christophe Naj­dovs­ki, prési­dent de l’European Cyclists’ Fed­er­a­tion et Maire-adjoint à la Ville de Paris et Albane Godard, mem­bre du con­seil d’administration de Femmes en mou­ve­ment lors de la table ronde d’ouverture ©FUB

« Les grands gabar­its provo­quent des acci­dents qui pour­raient être évita­bles », a rap­pelé le prési­dent de la FUB Olivi­er Schnei­der au cours de la pre­mière table ronde de la journée d’étude, con­sacrée à la Loi sur les mobil­ités, pro­mul­guée le 26 décem­bre 2019. Car la demande de la FUB de sys­té­ma­tis­er le procédé tech­nique le plus sûr aler­tant le chauf­feur d’un poids lourd de la présence d’un vélo dans son angle mort n’a pas été retenue par la loi. Pourquoi ?

La députée de Haute-Marne Bérangère Abba, rap­por­teure de la Loi sur les mobil­ités, explique : « On était dans un con­texte… un cer­tain nom­bre de sujets de crispa­tions…  cer­tains députés n’ont pas souhaité ajouter une nou­velle con­trainte… » Le con­texte, c’est la grogne des trans­porteurs routiers qu’il fal­lait éviter de fâch­er plus qu’ils ne l’étaient déjà, au risque de se retrou­ver avec une paralysie du réseau routi­er en pleine grève des trains. Pour Christophe Béchu, maire d’Angers et prési­dent de l’AFITF, il existe d’autres répons­es : « Nous voulons que toute la desserte logis­tique du cen­tre ville puisse se faire sans camions ». Ce qu’il a décidé d’appliquer dans sa ville, s’il est réélu. En atten­dant ce jour…

Aménagements — le vélo, inévitablement transversal

« Il faut pass­er à un éch­e­lon inter­com­mu­nal pour pass­er à une pra­tique du vélo de masse », avance Sébastien Mar­rec, doc­tor­ant en amé­nage­ment et urban­isme qui tra­vaille actuelle­ment pour la Mairie de Paris. L’enjeu est en exten­sion : « La pra­tique du vélo a ten­dance à dimin­uer en périphérie des villes et en milieu rur­al — avec la hausse du vélo dans les métrop­o­les, il y a une dis­par­ité qui se creuse, un fos­sé ter­ri­to­r­i­al qui s’accompagne d’un fos­sé cul­turel, des risques de ten­sion autour de l’image que véhicule le vélo et qu’il ne faut pas nég­liger. »

Com­ment assur­er la cohérence et la cohé­sion ? « Aux Pays-Bas, la cohérence des poli­tiques cyclables au niveau inter­com­mu­nal est plus anci­enne. »

« On n’est pas dans le même imag­i­naire entre la France et les Pays-Bas », recon­naît Agathe Daudi­bon, chef de pro­jets à Vélo et Ter­ri­toires. Selon Vélo & Ter­ri­toires, seule­ment 56 % des inter­com­mu­nal­ités ont une stratégie vélo.

Les asso­ci­a­tions FUB le savent, du moins celles qui ont la chance d’avoir des con­tacts réguliers avec leurs élus et cadres tech­niques : il arrive que les ser­vices d’une Ville qui n’ont pas trop l’habitude de se par­ler se met­tent à tra­vailler ensem­ble à pro­pos de vélo. Et par­tir tout de suite de la bonne échelle sera un gage d’efficacité pour « un plan vélo qui serait trans­ver­sal dès le début », souligne Agathe Daudi­bon.

En Île-de-France, les asso­ci­a­tions ont pris les devants. « On s’est dit qu’on ne va pas atten­dre les poli­tiques, on va se met­tre autour d’une table nous-mêmes », racon­te Stein Van Oost­eren, porte-parole du col­lec­tif vélo Île-de-France. Et ça a fonc­tion­né : « Ce que nous avons réus­si en Île-de-France, c’est 4 000 per­son­nes qui for­ment ensem­ble le col­lec­tif avec 34 asso­ci­a­tions vélo. »

Ce col­lec­tif a tout de suite planché sur « une carte des con­ti­nu­ités : c’est le résul­tat d’une année de tra­vail. Pour par­ler de poli­tique, il faut avoir quelque chose de vis­i­ble. Main­tenant on a car­ré­ment un pro­jet à l’échelle de la Région. Nous avons choisi de suiv­re le même sché­ma que le RER. Pas pour met­tre les vélos dans le train, mais pour avoir des pistes cyclables larges, un réseau struc­turant avec cinq lignes qui quadrillent notre région. Après il faut que les poli­tiques s’en sai­sis­sent. Nous sommes en train d’aller voir tous les respon­s­ables poli­tiques et bonne nou­velle : ils achè­tent. On va faire en sorte qu’on par­le d’une seule voix ».

Passerelle d’Etat pour infrastructures cyclables

L’AFITF : encore un sigle imprononçable, mais auquel il va fal­loir s’habituer puisqu’il fait son entrée sur la planète vélo. L’Agence de Finance­ment des Infra­struc­tures de Trans­ports Française est le relais insti­tu­tion­nel des fonds d’Etat qui sou­ti­en­nent les gros pro­jets fer­rovi­aires, por­tu­aires, routiers ; et depuis l’an dernier les infra­struc­tures cyclables des­tinées à résor­ber les coupures urbaines (passerelles ou autres pro­jets coû­teux et stratégiques). Pour une toute petite part bien sûr, puisqu’il s’agit des 350 M € sur sept ans que le Pre­mier min­istre avait annon­cés dans son plan vélo nation­al.

La FUB a égale­ment fête ses 40 ans à l’occasion du con­grès ©FUB

Après avoir un peu inquiété en évo­quant l’instabilité chronique des ressources de l’AFITF (béné­fices des autoroutes, éco­taxe, radars… ), Christophe Béchu, son prési­dent et acces­soire­ment maire d’Angers, a don­né le mon­tant du « panier de ressources » actuel qui dépasse les deux mil­liards d’euros annuels. Quant aux petits 35O M € dédiés aux infra­struc­tures cyclables, ils ne se ven­ti­lent pas en 5O M Ä net par an : « Pour la pre­mière année, 2019, c’est env­i­ron la moitié de la somme qui a été affec­tée, 28 M Ä, cette année on est à 47 M Ä, et dès l’année prochaine on sera au-dessus des 50 M Ä. »

Peut-on espér­er une exten­sion de l’enveloppe nationale s’il y avait pléthore de pro­jets pour résor­ber les points noirs ? Pour­ra-t-on con­tin­uer à assur­er un co-finance­ment de l’ordre de 20 % ? Pour Christophe Béchu, « ça va dépen­dre du nom­bre de dossiers déposés ». Et l’alternative sera entre « dimin­uer les taux de sub­ven­tions ou aug­menter les enveloppes. S’il n’y a pas de ten­sion budgé­taire, il n’y a aucune rai­son de remanier l’enveloppe. »

Regroupe­ment de com­munes : une chance à saisir

Dans une petite ville de Nor­mandie, cen­tre d’une Com­mu­nauté d’Agglomérations ayant con­nu beau­coup de regroupe­ments de com­munes (le Cal­va­dos et l’Orne ont per­du cha­cun 180 et 130 com­munes sur les cinq dernières années), le résul­tat est plutôt posi­tif, même si l’on n’a pas encore énor­mé­ment de recul. L’agglomération est encore très jeune (créée en 2017) et se struc­ture pro­gres­sive­ment avec un pro­jet de ter­ri­toire qui se des­sine petit à petit. Le fait que des com­munes se soient regroupées per­met de faire exis­ter des pôles urbains sec­ondaires dans l’agglomération. Les gros boule­verse­ments de 20142017 (change­ment de périmètre région­al, nou­veaux doc­u­ments à réalis­er, trans­ferts de com­pé­tences…) com­men­cent à porter leurs fruits.

L’association des com­mu­nautés de France (AdCF = l’association des inter­com­mu­nal­ités, équiv­a­lente à l’AMF) sem­ble intéressée pour tra­vailler sur le vélo à l’échelle inter­com­mu­nale. Cela per­me­t­tra de répon­dre aux nom­breuses ques­tions à ce sujet qui ont fait suite au baromètre, conçu unique­ment à une échelle com­mu­nale. La pub­li­ca­tion des résul­tats du baromètre a soulevé de nom­breuses ques­tions quant à la con­struc­tion de pro­jets cyclables inter­com­mu­naux. Des échanges sur ce sujet avec les col­lec­tiv­ités et asso­ci­a­tions de col­lec­tiv­ités ont été menés en ce sens et seront appro­fondis, pour faire entr­er le vélo là où se trou­vent les com­pé­tences. Con­cer­nant les plus petites com­munes, on peut voir le verre à moitié plein en se dis­ant qu’une com­mune nou­velle (et encore plus une inter­com­mu­nal­ité) pour­ra exercer la com­pé­tence, là où des vil­lages de quelques cen­taines d’habitants, même s’ils l’avaient théorique­ment, ne pou­vaient le faire. Par con­tre, le rur­al reste le rur­al : que les com­munes soient petites ou grandes, le vélo est très loin d’être envis­agé comme une solu­tion et la voiture n’y est pas du tout con­trainte.

Séraphin Elie

Un article à lire aussi dans Vélocité n°154 — janvier-février-mars 2020, une publication de la FUB.

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