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Baromètre et INSEE : les données disent-elles la même chose ?
Vous l’aurez compris en lisant ce dossier, deux données sont fondamentales pour évaluer la politique vélo d’une commune : les enquêtes Insee et le Baromètre. Bien qu’elles se fondent sur deux approches différentes, les données à notre disposition montrent que le climat cyclable et la part d’actifs cyclistes sont intimement liés.
Plus une ville est cyclable, plus elle est cyclée.
Ce qui saute aux yeux en analysant les tendances comparant les données, c’est le lien fort que l’on peut faire entre le bon climat cyclable d’une ville et la part modale élevée d’une commune. Cela est particulièrement vrai pour les communes de plus de 100 000 habitants, mais cette tendance se retrouve dans toutes les catégories. Cela ne vous surprendra pas, mais cela va mieux en le disant : le Baromètre est une analyse solide, et la part d’actifs cyclistes observée dans les enquêtes de l’Insee ne sort pas de nulle part.
Analyse objective ou subjective, qu’est-ce que ça change ?
Il convient désormais de s’attarder sur une différence fondamentale entre l’Insee et le Baromètre. Si les données de l’institut national s’appuient sur des enquêtes pour mesurer comment se déplacent effectivement les ménages de France (approche objective), la FUB a choisi pour son indicateur de se centrer sur le ressenti des cyclistes : se sentent-ils en sécurité dans leurs déplacements à vélo ? Sont-ils encouragés ? Peuvent-ils se stationner et accéder aux services vélo ? Cela permet de couvrir tout le spectre du système vélo pour valoriser les efforts effectués par la collectivité plutôt que le résultat brut, sans donner plus d’information sur ce qu’il reste à faire.
Cependant, cette manière de faire ne propose pas de repères : les approches tentant une comparaison selon un kilométrage de pistes par habitant ont largement montré leurs limites par exemple. Sans repère « objectif », on s’en réfère au ressenti, et globalement ça marche : dans toutes les communes, les notes se regroupent autour d’une note commune.
Avec la multiplication des répondants, les mécontents sont tempérés par les enthousiastes, et inversement, pour dégager une note moyenne qui illustre plutôt bien la situation locale.
Il ne faut toutefois pas oublier que la dynamique du vélo ne s’explique pas uniquement par la qualité du climat cyclable : des effets structurels comme la composition urbaine ou la distance entre le domicile et le lieu de travail, mais aussi des chocs comme des grèves peuvent expliquer des parts modales élevées.
S’ils permettent des changements d’importance, les chocs ne sont toutefois que difficilement perceptibles par les données de l’Insee, puisque les enquêtes se font sur le temps long (données collectées entre 2015 et 2019 pour le millésime 2017). À l’inverse, le Baromètre perçoit bien la dynamique récente, notamment grâce aux questions sur les efforts faits par la ville.
Bordeaux versus Nantes : comment l’expliquer ?
Vous aurez peut-être remarqué en regardant de plus près que Bordeaux se promène dans le haut du graphique, en dehors de la tendance générale. Avec une part d’actifs cyclistes plutôt élevée (14%), la note du Baromètre ne semble clairement pas à la hauteur. Pire, dans le derby de l’Atlantique, Nantes se retrouve avec une meilleure note, avec pourtant une part d’actifs cyclistes bien inférieure. Est-ce normal, docteur ?
Plusieurs pistes (cyclables) peuvent expliquer cela. Premièrement, la dynamique récente : les cyclistes bordelais peuvent être plus insatisfaits de la situation locale, qui a moins progressé qu’à Nantes. Dans un territoire où la place du vélo est assez ancienne, les attentes sont élevées, et une stagnation ou une légère amélioration peut ne pas suffire à satisfaire les cyclistes locaux.
Une autre explication possible est à trouver dans les caractéristiques de ces deux communes, notamment sa densité. Si Bordeaux est légèrement moins peuplée que Nantes, son agglomération (au sens de l’Insee, l’unité urbaine) est bien plus peuplée. La ville-centre de l’agglomération bordelaise est près de 9% plus dense. Cette densité s’accompagne d’un espace public plus contraint, favorable au vélo.
Enfin, on pourrait expliquer la différence de parts modales par la déclivité plus sensible à Nantes, qui décourage probablement certains usages.
Cyclistes, banlieusards et insatisfaits
Parmi les plus petites communes, certaines d’entre elles sortent clairement du lot, et la tendance est plus difficile à trouver. Plusieurs communes semblent sortir du lot, avec une part d’actifs cyclistes élevée mais des cyclistes insatisfaits. Pas besoin de chercher l’explication très loin, il s’agit pour l’essentiel de communes des agglomérations de Strasbourg (Bischheim, Schiltigheim) et de Grenoble (La Tronche, Saint-Martin-d’Hères, Fontaine, Gières). La part modale de ces communes est tirée vers le haut par la bonne qualité de la cyclabilité de la ville-centre, mais la qualité du climat cyclable de la ville elle-même semble loin d’être à la hauteur des nombreux cyclistes qui y circulent.
De manière générale, les tendances des plus petites communes sont plus difficiles à analyser. Celles-ci regroupent en effet des catégories très variables, entre les villes balnéaires au climat vélo plutôt favorable ne se traduisant pas par une part modale élevée des actifs résidant dans la commune, les villes moyennes centre de petites agglomérations, et les villes de banlieue. De plus, les réponses sont moins nombreuses donc les variations sont moins significatives statistiquement, et des facteurs externes comme le dénivelé, l’éloignement des zones d’emploi, la mixité habitat/emploi, la structure de la population (âge, catégories socio-professionnelles…) et la densité expliquent proportionnellement plus de choses que dans les plus grandes villes. On ne peut que regretter le manque de modèles, avec à la fois une politique cyclable appréciée et des parts modales importantes. De nouveaux élus viennent de s’installer, nous comptons sur eux !