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Baromètre et INSEE : les données disent-elles la même chose ?

Vous l’aurez compris en lisant ce dossier, deux données sont fondamentales pour évaluer la politique vélo d’une commune : les enquêtes Insee et le Baromètre. Bien qu’elles se fondent sur deux approches différentes, les données à notre disposition montrent que le climat cyclable et la part d’actifs cyclistes sont intimement liés.

Plus une ville est cyclable, plus elle est cyclée.

Ce qui saute aux yeux en analysant les ten­dances com­para­nt les don­nées, c’est le lien fort que l’on peut faire entre le bon cli­mat cyclable d’une ville et la part modale élevée d’une com­mune. Cela est par­ti­c­ulière­ment vrai pour les com­munes de plus de 100 000 habi­tants, mais cette ten­dance se retrou­ve dans toutes les caté­gories. Cela ne vous sur­pren­dra pas, mais cela va mieux en le dis­ant : le Baromètre est une analyse solide, et la part d’actifs cyclistes observée dans les enquêtes de l’Insee ne sort pas de nulle part.

Greno­ble a 17% d’actifs qui pren­nent le vélo et a obtenu la note 4,12/6 au Baromètre, trans­for­mé en exp(4,12) = 62 sur l’axe hor­i­zon­tal

Analyse objective ou subjective, qu’est-ce que ça change ?

Il con­vient désor­mais de s’attarder sur une dif­férence fon­da­men­tale entre l’Insee et le Baromètre. Si les don­nées de l’institut nation­al s’appuient sur des enquêtes pour mesur­er com­ment se dépla­cent effec­tive­ment les ménages de France (approche objec­tive), la FUB a choisi pour son indi­ca­teur de se cen­tr­er sur le ressen­ti des cyclistes : se sen­tent-ils en sécu­rité dans leurs déplace­ments à vélo ? Sont-ils encour­agés ? Peu­vent-ils se sta­tion­ner et accéder aux ser­vices vélo ? Cela per­met de cou­vrir tout le spec­tre du sys­tème vélo pour val­oris­er les efforts effec­tués par la col­lec­tiv­ité plutôt que le résul­tat brut, sans don­ner plus d’information sur ce qu’il reste à faire.

Évo­lu­tion de la sit­u­a­tion pour les vélos entre 2017 et 2019 à Nantes
Évo­lu­tion de la sit­u­a­tion pour les vélos entre 2017 et 2019 à Bor­deaux

Cepen­dant, cette manière de faire ne pro­pose pas de repères : les approches ten­tant une com­para­i­son selon un kilo­mé­trage de pistes par habi­tant ont large­ment mon­tré leurs lim­ites par exem­ple. Sans repère « objec­tif », on s’en réfère au ressen­ti, et glob­ale­ment ça marche : dans toutes les com­munes, les notes se regroupent autour d’une note com­mune.

Avec la mul­ti­pli­ca­tion des répon­dants, les mécon­tents sont tem­pérés par les ent­hou­si­astes, et inverse­ment, pour dégager une note moyenne qui illus­tre plutôt bien la sit­u­a­tion locale.
Il ne faut toute­fois pas oubli­er que la dynamique du vélo ne s’explique pas unique­ment par la qual­ité du cli­mat cyclable : des effets struc­turels comme la com­po­si­tion urbaine ou la dis­tance entre le domi­cile et le lieu de tra­vail, mais aus­si des chocs comme des grèves peu­vent expli­quer des parts modales élevées.

S’ils per­me­t­tent des change­ments d’importance, les chocs ne sont toute­fois que dif­fi­cile­ment per­cep­ti­bles par les don­nées de l’Insee, puisque les enquêtes se font sur le temps long (don­nées col­lec­tées entre 2015 et 2019 pour le mil­lésime 2017). À l’inverse, le Baromètre perçoit bien la dynamique récente, notam­ment grâce aux ques­tions sur les efforts faits par la ville.

Bordeaux versus Nantes : comment l’expliquer ?

Vous aurez peut-être remar­qué en regar­dant de plus près que Bor­deaux se promène dans le haut du graphique, en dehors de la ten­dance générale. Avec une part d’actifs cyclistes plutôt élevée (14%), la note du Baromètre ne sem­ble claire­ment pas à la hau­teur. Pire, dans le der­by de l’Atlantique, Nantes se retrou­ve avec une meilleure note, avec pour­tant une part d’actifs cyclistes bien inférieure. Est-ce nor­mal, doc­teur ?

Plusieurs pistes (cyclables) peu­vent expli­quer cela. Pre­mière­ment, la dynamique récente : les cyclistes bor­de­lais peu­vent être plus insat­is­faits de la sit­u­a­tion locale, qui a moins pro­gressé qu’à Nantes. Dans un ter­ri­toire où la place du vélo est assez anci­enne, les attentes sont élevées, et une stag­na­tion ou une légère amélio­ra­tion peut ne pas suf­fire à sat­is­faire les cyclistes locaux.

Une autre expli­ca­tion pos­si­ble est à trou­ver dans les car­ac­téris­tiques de ces deux com­munes, notam­ment sa den­sité. Si Bor­deaux est légère­ment moins peu­plée que Nantes, son aggloméra­tion (au sens de l’Insee, l’unité urbaine) est bien plus peu­plée. La ville-cen­tre de l’agglomération bor­de­laise est près de 9% plus dense. Cette den­sité s’accompagne d’un espace pub­lic plus con­traint, favor­able au vélo.

Enfin, on pour­rait expli­quer la dif­férence de parts modales par la décliv­ité plus sen­si­ble à Nantes, qui décourage prob­a­ble­ment cer­tains usages.

Cyclistes, banlieusards et insatisfaits

Par­mi les plus petites com­munes, cer­taines d’entre elles sor­tent claire­ment du lot, et la ten­dance est plus dif­fi­cile à trou­ver. Plusieurs com­munes sem­blent sor­tir du lot, avec une part d’actifs cyclistes élevée mais des cyclistes insat­is­faits. Pas besoin de chercher l’explication très loin, il s’agit pour l’essentiel de com­munes des aggloméra­tions de Stras­bourg (Bis­chheim, Schiltigheim) et de Greno­ble (La Tronche, Saint-Martin-d’Hères, Fontaine, Gières). La part modale de ces com­munes est tirée vers le haut par la bonne qual­ité de la cycla­bil­ité de la ville-cen­tre, mais la qual­ité du cli­mat cyclable de la ville elle-même sem­ble loin d’être à la hau­teur des nom­breux cyclistes qui y cir­cu­lent.

De manière générale, les ten­dances des plus petites com­munes sont plus dif­fi­ciles à analyser. Celles-ci regroupent en effet des caté­gories très vari­ables, entre les villes bal­néaires au cli­mat vélo plutôt favor­able ne se traduisant pas par une part modale élevée des act­ifs rési­dant dans la com­mune, les villes moyennes cen­tre de petites aggloméra­tions, et les villes de ban­lieue. De plus, les répons­es sont moins nom­breuses donc les vari­a­tions sont moins sig­ni­fica­tives sta­tis­tique­ment, et des fac­teurs externes comme le dénivelé, l’éloignement des zones d’emploi, la mix­ité habitat/emploi, la struc­ture de la pop­u­la­tion (âge, caté­gories socio-pro­fes­sion­nelles…) et la den­sité expliquent pro­por­tion­nelle­ment plus de choses que dans les plus grandes villes. On ne peut que regret­ter le manque de mod­èles, avec à la fois une poli­tique cyclable appré­ciée et des parts modales impor­tantes. De nou­veaux élus vien­nent de s’installer, nous comp­tons sur eux !

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