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Le vélo et la marche contre les bouchons

Les bouchons peuvent être réduits si on adopte un point de vue multimodal. Telle est l’optique du projet européen FLOW. L’approche : mettre tous les modes de transport sur un pied d’égalité. Correctement mis en place, infrastructures cyclables et aménagements piétons sont aussi un atout pour la circulation des modes motorisés.

Une réponse rapi­de et ordi­naire à la con­ges­tion est l’augmentation de voiries con­sacrées à la voiture. Cette solu­tion est de moins en moins réal­is­able et on incite majori­taire­ment au report sur les trans­ports en com­mun (TC). En effet, la réal­i­sa­tion d’infrastructures cyclables et de trot­toirs suff­isam­ment larges et séparés du flux auto­mo­bile (surtout sur des axes à 50 km/h) implique bien sou­vent de rogn­er l’espace alloué à la voiture, que ce soit du sta­tion­nement ou de la voie de cir­cu­la­tion. Ce qui, dans l’imaginaire col­lec­tif, entraîn­era une aug­men­ta­tion de la con­ges­tion.

Déroule­ment men­tal ordi­naire lorsqu’on envis­age de redis­tribuer l’espace en faveur des modes doux :

  • 1/ L’interaction entre les véhicules motorisés et les modes doux ralen­tit le débit des motorisés ;
  • 2/ La capac­ité des motorisés est réduite ;
  • 3/ La per­for­mance totale du réseau empire (de moins en moins de véhicules peu­vent pass­er) ;
  • 4/ On atteint un seuil de moin­dre per­for­mance ;
  • 5/ Bou­chons (pour les véhicules motorisés).

On sait que nom­breux sont ceux qui pren­dront le vélo ou qui marcheront si on pro­pose des itinéraires et des infra­struc­tures attrac­tives. Les enquêtes le mon­trent un peu partout et la mise en place d’une vraie poli­tique cyclable entraîne une aug­men­ta­tion de la pra­tique (2 à 5 % sur le ter­ri­toire mét­ro­pol­i­tain lorsque Nantes a éten­du à 400 km de pistes et mis en place son vélo en libre ser­vice).

Tout en annonçant une volon­té d’inciter au modes act­ifs et aux TC, les décideurs et les amé­nageurs ont encore du mal à con­cevoir une voirie qui ne vise pas unique­ment l’efficacité des déplace­ment  motorisés et la min­imi­sa­tion des bou­chons.

Un projet tourné sur l’aide à la décision locale

Issu de l’appel à pro­jet H2020 (20142020), le pro­jet FLOW (Fur­ther­ing Less con­ges­tion by cre­at­ing Oppor­tu­ni­ties for more Walk­ing and cycling) vise d’une part à valid­er par l’observation et la mod­éli­sa­tion le bien­fait des modes doux sur le traf­ic motorisé, et d’autre part à com­pren­dre com­ment con­va­in­cre les amé­nageurs. En effet, ce que l’on appelle con­ges­tion ou bou­chons cor­re­spond à un seuil de tolérance (mesurable ou perçu), pro­pre au ter­ri­toire con­sid­éré. Pour inclure cette per­cep­tion locale et com­pren­dre les amé­nageurs actuels, six villes sont parte­naires (Budapest, Dublin, Lis­bonne, Sofia, Gdy­nia, Munich), neuf villes jumelées à celles-ci, et 25 villes sont financées pour par­ticiper à des ate­liers et for­ma­tions ain­si que des séances d’échanges.

Changement d’approche méthodologique

La voiture ne peut pas être la solu­tion aux prob­lèmes causés par la voiture, et l’impact de réal­lo­ca­tion de l’espace aux modes doux est encore beau­coup més­es­timé. Pour don­ner une chance à la marche et au vélo et sor­tir de la réflex­ion monomodale, le pro­jet européen FLOW a suivi la méthodolo­gie suiv­ante (ver­sion sim­pli­fiée) :

  • 1/ Fournir une déf­i­ni­tion mul­ti­modale d’un réseau de trans­port, sa per­for­mance et sa con­ges­tion ;
  • 2/ Iden­ti­fi­er les indi­ca­teurs de per­for­mance asso­ciés à chaque mode basés sur le nom­bre de per­son­nes en mou­ve­ment et non sur le nom­bre de véhicules ;
  • 3/ Définir un indi­ca­teur de per­for­mance mul­ti­modal unique qui per­me­tte la com­para­i­son entre les villes et les mesures mis­es en place (marche ou vélo) ;
  • 4/ Per­me­t­tre d’établir une valeur seuil d’acceptabilité de la per­for­mance du réseau (appari­tion de bou­chons) qui soit pro­pre à chaque ville.

La con­ges­tion est un état de traf­ic impli­quant tous les modes présents sur un réseau de trans­port mul­ti­modal, car­ac­térisé par des fortes den­sités et des infra­struc­tures sur-util­isées, en com­para­i­son avec un état accept­able pour tous les modes selon les objec­tifs visés et qui mène à un sen­ti­ment de retard (perçu ou réel).

Cette déf­i­ni­tion mul­ti­modale d’un état de con­ges­tion du réseau prend en compte toutes les infra­struc­tures présentes (trot­toirs, chaussées…), réfère à la capac­ité et la demande, per­met de définir le niveau de tolérance locale­ment et prend en compte la per­cep­tion de l’usage. Les indi­ca­teurs de per­for­mance retenus sont le retard (réel ou perçu), la den­sité (de per­son­nes déplacées) et le niveau de ser­vice (con­ti­nu­ité du débit : flu­ide, lent, arrêté, par exem­ple).

Le rap­port final du pro­jet recon­naît qu’il y a encore de nom­breuses lim­i­ta­tions dans leur approche. Entre autres, il sup­pose une totale sépa­ra­tion des modes, et l’estimation du délai (perçu ou réel) est encore très approx­i­ma­tive. Toute­fois les obser­va­tions du pro­jet sont toutes encour­ageantes et l’intégralité de l’approche per­met une adapt­abil­ité suff­isante aux cir­con­stances locales.

Dans la tête des experts

Dans le port­fo­lio de mesures exis­tantes, on trou­ve un ques­tion­naire intéres­sant auprès des experts en amé­nage­ment sur le rôle du vélo et de la marche pour réduire la con­ges­tion. 87 % pensent que le vélo peut jouer un rôle impor­tant dans la ges­tion de la con­ges­tion et 76 % pensent que la marche peut aus­si con­tribuer. En par­al­lèle, seule­ment une faible par­tie déclare que des mesures pour la marche ou le vélo sont mis­es en place pour alléger le traf­ic urbain (12 % pour la marche et 27 % pour le vélo).

Bien que la majorité des répon­dants men­tion­nent le poten­tiel de report modal de la voiture aux modes doux pour les cour­tes dis­tances et soulig­nent l’« effi­cac­ité spa­tiale »(1) des modes doux, ces résul­tats mon­trent qu’il y a un fos­sé à franchir pour dévelop­per le plein poten­tiel de la marche et du vélo. C’est-à-dire sur­pass­er la crainte irra­tionnelle de l’augmentation des bou­chons si on réduit l’espace de la voiture.

La revue de lit­téra­ture fournie dans le rap­port final du pro­jet et les dif­férents doc­u­ments don­neront nom­bres d’exemples et de don­nées pour con­va­in­cre.

Quelques résultats avec le vélo

New York : L’ajout de ban­des cyclables pro­tégées a per­mis de réduire le temps de par­cours auto­mo­bile de 35 %.

Pays-Bas : Une étude mon­tre que la réal­i­sa­tion de 675 km sup­plé­men­taires d’autoroutes à vélo per­me­t­trait de sauver 3,8 mil­lions d’heures (433 années !) passées dans le traf­ic par année. Jusqu’à 9,4 mil­lions d’heures si le VAE prend de l’ampleur…

Copen­h­ague : Sur une voie urbaine com­plète­ment sat­urée, l’élargissement des espaces pié­tons et cycles et la flu­id­i­fi­ca­tion de leurs itinéraires a con­duit à 45 % en moins de traf­ic auto­mo­bile et une amélio­ra­tion des temps de par­cours des trans­ports en com­mun.

Wash­ing­ton DC : Le sys­tème de vélos en libre ser­vice a entraîné une réduc­tion de 4 % des bou­chons.

Conseils pour plaider la solution vélo

Le pro­jet FLOW réalise aus­si un retour d’expériences sur com­ment con­va­in­cre de la valid­ité d’une approche mul­ti­modale. Il nous con­seille :

  • 1/ D’inciter les déci­sion­naires à pren­dre du recul sur les prob­lé­ma­tiques de déplace­ment ;
  • 2/ Redéfinir les prob­lèmes et les besoins : par­ler d’augmenter le nom­bre de per­son­nes déplacées plutôt que de véhicules par exem­ple ;
  • 3/ De pro­mou­voir l’approche mul­ti­modale : décourager la com­péti­tion entre TC, vélos et pié­tons ;
  • 4/ Ratio­nalis­er la notion d’espace. Don­ner de l’espace à la voiture sera une solu­tion de court terme unique­ment, puisque ce même espace sera à nou­veau vite sat­uré par la voiture, surtout dans des villes où la pop­u­la­tion aug­mente. Une ville qui veut créer de l’activité et attir­er de la pop­u­la­tion doit préserv­er l’espace à ces fins.

Mettre fin à la congestion durablement

Si on peut ajouter aux nom­breux bien­faits du vélo l’argument qu’il est la solu­tion aux bou­chons, et qu’il va même réduire les temps de par­cours auto­mo­bile, pourquoi s’en priv­er ?

Toute­fois, il faut garder à l’esprit que la vraie solu­tion con­tre la con­ges­tion et les nui­sances socio-économiques et san­i­taires qui l’accompagnent, ce sont les change­ments de com­porte­ments. Même si le report modal flu­id­i­fie tem­po­raire­ment le traf­ic motorisé, il per­met aus­si de con­serv­er l’attractivité des tra­jets en voiture. Alors que les habi­tants en milieu urbain dense fer­ont facile­ment le pas­sage aux modes act­ifs en se réap­pro­pri­ant l’espace, les autres pour­ront par­courir de plus grandes dis­tances en voiture en moins de temps et ain­si favoris­er la péri­ur­ban­i­sa­tion. À moyen terme, on retrou­vera nos bou­chons sauf si des mesures com­plé­men­taires sont mis­es en place (le péage urbain par exem­ple).

On dis­pose main­tenant d’outils pour réduire la con­ges­tion avec une réelle approche mul­ti­modale. L’empêcher de revenir sera une ques­tion de péd­a­gogie et de prise de recul, et de moyens appliqués sur l’intégralité des bassins de déplace­ments.

(1) Rap­port entre la sur­face employée pour le nom­bre de per­son­nes qui peu­vent l’emprunter.

Inspiré d’un arti­cle paru sur le site de l’ECF.

Pour aller plus loin : Le prob­lème de la con­ges­tion et de la qual­ité de vie : Hap­py City: Trans­form­ing Our Lives Through Urban Design, Charles Mont­gomery, (https://thehappycity.com/the-book/)

Un article à lire aussi dans Vélocité146 — mai-juin 2018, une publication de la FUB

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