Le vélo, geste barrière incompris des forces de l’ordre
Au début du confinement, la FUB a tout de suite mis en avant la pertinence de la solution vélo pour les déplacements nécessaires : distanciation sociale de fait, remise en forme sur le plan physique, coût financier faible, sobriété carbone et sobriété spatiale… Un cocktail gagnant pour faire face à la crise sanitaire.
Hélas, rapidement, nous avons reçu plus de 800 témoignages de cyclistes ayant utilisé leurs vélos pour un motif légitime, notamment pour aller travailler ou faire leurs courses, et qui auraient rencontré un problème avec les forces de l’ordre. Dans le meilleur des cas, il s’agissait de remarques déplacées, prétendant que le vélo ne serait pas un moyen de transport autorisé en période de confinement. Pour des dizaines d’entre eux, c’est allé encore plus loin, avec une amende de 135 euros à la clef.
La faute à une communication floue du Gouvernement : alors que rien dans le décret du 23 mars ne réglementait le mode de déplacement, le Gouver-nement a fait circuler des messages trompeurs quant à l’utilisation du vélo, assimilé de facto à un sport. Les tentatives de clarification n’ont pas changé la donne. Certains agents des forces de l’ordre ont exercé leur pouvoir de manière abusive, ajoutant de leur propre initiative des restrictions par rapport aux textes et décrets en vigueur.
Et ce n’est pas tout. Alors même que des villes comme Berlin, Bogota ou New- York répondent à la crise en multipliant les aménagements cyclables, certains territoires français… ont fermé les leurs !
Un référé-liberté auprès du Conseil d’Etat
C’est dans ce contexte que la FUB s’est vue obligée de déposer le 20 avril 2020 un référé-liberté. Cette procédure a eu pour but de protéger les cyclistes dans leurs droits les plus essentiels : la liberté de déplacement dans le respect strict des règles imposées par la crise sanitaire liée au Covid-19, dans de bonnes conditions de sécurité, ce qui nécessite le maintien des infrastructures qui leur sont dédiées. La FUB demandait l’annulation des poursuites, la cessation des verbalisations, la réouverture des aménagements cyclables fermés et une clarification de la communication institutionnelle sur l’usage du vélo.
Le Gouvernement contraint de clarifier son discours
Le Conseil d’Etat, suite à l’audience de la FUB le 29 avril dernier, a enjoint le Premier ministre, dans son ordonnance du 30 avril 2020, « d’indiquer publiquement et largement que le vélo peut être utilisé pour les déplacements autorisés durant le confinement ». Au cours de l’instruction, le Gouvernement a reconnu que le vélo n’était en aucun cas interdit si les autres obligations étaient respectées. Au coeur du problème, l’illustration accompagnant les recommandations : barrant de rouge l’usage « sportif » du vélo. Nous ne tenions pas particulièrement à ce que des hordes de cyclo-sportifs puissent rouler en peloton dans une circonférence de 6 kms, mais ce manque de clarté aura causé un véritable préjudice pour tous les usagers et notamment aux personnes pour lesquelles le seul mode d’activité physique possible est le vélo.
Le Conseil d’Etat a estimé, avec la FUB, que cette position juridique ne se reflétait pas de manière claire et sincère dans la communication du Gouvernement. Ainsi, le juge des référés a estimé que « l’utilisation du vélo relève de la liberté d’aller et venir et du droit de chacun au respect de sa liberté personnelle et que l’absence de clarté des positions du Gouvernement y portait une atteinte grave et manifestement illégale. »
Reconnaissance du vélo en tant que mode de déplacement
Bien que les autres demandes de la FUB n’aient pas été satisfaites, notre fédération ne peut que se réjouir de cette ordonnance qui est un fait rare et historique. La décision du Conseil d’Etat vient renforcer un changement culturel en cours : oui, le vélo est une solution de mobilité particulièrement efficace et légitime pour faire face à tous les enjeux actuels, qu’ils soient sanitaires ou environnementaux. Même si l’urgence est désormais à concilier une mobilité soutenable et cohérente avec les enjeux sanitaires, cette action en justice aura permis à notre fédération de réaffirmer sa détermination. Cette action aura également permis une certaine visibilité médiatique et le siège a reçu de nombreux mails de remerciements et de soutien pour cette initiative.
En parallèle de cette action, la FUB s’est positionnée comme partenaire du Gouvernement avec l’opération Coup de Pouce. Comme quoi, il est possible de tenir les deux bouts d’un plaidoyer efficace en même temps : dénoncer et accompagner.