Associations locales et nationales de promotion du vélo, professionnels, techniciens et élus figuraient parmi les participants. La plupart étaient originaires d’Amérique Latine, mais un certain nombre représentaient également l’Europe, l’Océanie, l’Asie et l’Amérique du Nord. La communauté vélo s’est réunie pendant quatre jours pour échanger et bénéficier de retours d’expériences concrets, afin de trouver collectivement des solutions pour promouvoir efficacement l’usage du vélo comme solution de mobilité durable sur tous les territoires.
L’apprentissage du vélo : levier essentiel pour développer la pratique du vélo
La FUB était représentée au FMB 8 par Nicolas Dubois, qui a présenté le programme « Savoir rouler à vélo », à destination des enfants, officiellement lancé le 17 avril 2019 (voir savoirrouleravelo.fr). Suite à cette intervention, la FUB a bénéficié de retours d’expériences d’associations du Mexique (pedaliers.org), d’Argentine (ArgEnBici), du Brésil (bikeanjo.org) et d’Equateur (Carishina en bici) qui développent également des activités d’apprentissage du vélo. Ces témoignages riches constituent de véritables sources d’inspirations concrètes pour la France et l’Europe en général.
La présentation d’Iván Rodríguez « formation de moniteurs de cyclisme urbain : objectif 10 000 » a été particulièrement instructive. Afin de valider leurs diplômes, les étudiants locaux doivent réaliser 160 heures de « service pour la communauté ». Pendant 14 mois, grâce à un accord passé avec le gouvernement local et avec l’aide d’un autre formateur, Iván a formé 109 moniteurs de cyclisme urbain (20 h de formation en présentiel, dont 10 h de pratique ; puis 20 h de formation à distance). Chacun des 109 moniteurs doit à son tour former 100 personnes à la pratique du vélo en ville, dans le cadre des 120 heures de « service à la communauté » restantes à effectuer, afin de valider leur diplôme.
En collaboration avec Lotte Bech, Iván a également organisé des ateliers de « jeux à vélo » pour les enfants de 3 à 5 ans, dans différents quartiers de Quito, dans le cadre du Forum. Lotte Bech, investie dans ce projet depuis septembre 2018, a formé à cette occasion 15 moniteurs de cyclisme urbain.
Des interventions marquantes, notamment autour du plaidoyer pro-vélo
En Amérique Latine, les homologues de la FUB mènent des projets proches des nôtres. Au Brésil, le plaidoyer de l’UCB — União de Ciclistas do Brasil — a permis d’obtenir un plan vélo (Programa Bicicleta Brasil — PBB). Comme en France, il s’agit pour eux de transformer l’essai, c’est-à-dire de s’assurer que la loi sera bien mise en œuvre. Il en va de même pour le Mexique, où la « loi de promotion de l’usage du vélo et de protection des cyclistes » a été votée dans l’Etat de Basse Californie.
Ces deux interventions font étonnamment écho à la campagne Parlons-Vélo de la FUB (www.parlons-velo.fr), à ses travaux dans le cadre des Assises de la mobilité, l’obtention du premier plan vélo financé en France et aux travaux actuels dans le cadre de la Loi d’orientation des mobilités.
Ce forum a permis à la communauté internationale vélo d’échanger sur la marche à suivre pour convaincre les pouvoirs publics de faire avancer la cause du vélo, et notamment dans la loi.
Par ailleurs, les conférenciers du FMB 8 ont abordé une grande variété de thèmes : l’égalité hommes-femmes dans l’espace public, l’ingénierie cyclable, le renforcement des connaissances scientifiques sur la mobilité à vélo, l’inclusion sociale, pour le développement de la pratique du vélo au quotidien en zone urbaine/rurale.
Mais le FMB 8 ne s’est pas limité à ces prises de parole. Les participants ont pu également participer à :
- des présentations au format pecha kucka,
- des ateliers thématiques, en présence de techniciens et d’élus,
- des masses critiques/vélorutions et itinéraires thématiques à vélo,
- des séances de vélo-écoles,
- une foire aux exposants,
- un rassemblement de voyageurs à vélo,
- des événements culturels et artistiques (concerts, concours photos, films et animations ciné-cyclo…),
- des événements sportifs (criterium, alleycat),
- des interventions urbaines dans toute la ville.
Suite aux candidatures reçues et soumises au vote des participants, le 9e Forum mondial du vélo aura lieu en 2020 au Népal, puis il sera de retour en Amérique Latine en 2021 en Argentine.
Sur la place du vélo à Quito et en Équateur
Comme dans de nombreux pays d’Amérique Latine (et d’ailleurs), ce sont malheureusement souvent les conducteurs des plus gros véhicules qui se sentent prioritaires sur les autres usagers de l’espace public, parmi lesquels les cyclistes et les piétons. Même lorsqu’il s’agit de traverser la chaussée sur un passage piéton (au vert), les piétons avancent avec une grande précaution et regardent à de multiples reprises autour d’eux, voire traversent en courant (y compris des personnes accompagnées d’enfants), de peur de se faire couper la route par un conducteur de véhicule motorisé. Il s’agit d’un problème culturel mais également du manque de moyens et/ou de volonté politique pour mener des campagnes de sensibilisation et pour contrôler ou sanctionner ces comportements. Il en va de même pour les usagers du vélo, pour lesquels les conditions ne sont pas encore réunies pour pouvoir réellement prendre leur place. A Quito, les infrastructures cyclables sont présentes sur certains axes (et dans tous les parcs), mais un certain nombre d’entre elles ne permettent pas aux cyclistes de se déplacer en sécurité et sont trop peu entretenues. De plus, de nombreux usagers du vélo n’utilisent pas ces infrastructures, les méconnaissent, ou ne se sentent pas à l’aise pour les utiliser.
Quito, à l’instar d’autres capitales latino-américaines, ferme certains grands axes de circulation aux véhicules motorisés les dimanches (Quito est membre du réseau Ciclovias Recreativas de las Americas : cicloviasrecreativas.esy.es), ce qui permet à de nombreux Quiteños de se déplacer à vélo et/ou de pratiquer tout type d’activité physique.
Il faut convaincre les parties prenantes de l’intérêt de permettre à tous les citoyens de se déplacer librement et en sécurité, afin qu’il leur soit possible d’opter pour une solution de mobilité douce.
Grâce, entre autres, à de grands événements comme le Forum mondial du vélo, la communauté pro-vélo monte en compétences et fait émerger des solutions durables qui sont de plus en plus plébiscitées, puis progressivement mises en œuvre par les gouvernements aux différentes échelles territoriales. Certaines solutions pour diminuer l’usage des véhicules motorisés existent déjà, à l’image des associations de livraison en triporteur aux abords des marchés municipaux d’Équateur…
(1) voir le site fmb8.org
Entretien avec Sofia Gordon, coordinatrice générale du Forum mondial du vélo « FMB 8 »
Comment votre équipe s’est-elle organisée pour la réalisation de ce Forum ?
Nous avons eu besoin de deux années de préparation, avec environ 20 personnes engagées depuis le début et 25 supplémentaires lors de l’événement. J’ai quitté mon emploi dans l’éducation populaire pour me consacrer à ce Forum depuis octobre 2018.
Quels sont les chiffres clés du FMB 8 ?
Nous avons en tout 150 présentations ; 21 « interventions urbaines » ; 47 événements culturels, avec 25 pays représentés.
Quelle a été la spécificité de cette 8e édition ?
La place faite aux femmes : l’un des cinq axes thématiques du Forum est celui de la diversité ethnique et du genre. Par exemple, c’est la première fois que les « niñas » (filles) ont pu se réapproprier la rue ici à Quito, lors de la parade à vélo du 27 avril.
Comment avez-vous réussi à faire en sorte que ce Forum soit gratuit pour les participants ?
Nous avons des partenaires stratégiques : la métropole, la banque interaméricaine de développement (BID), le ministère des Transports. Nous avons obtenu des fonds grâce à des appels à projets (via la Senescyt) et nous avons obtenu des échanges de services avec nos autres sponsors.
Comment avez-vous réussi à monter un programme aussi riche y compris à l’extérieur du palais des congrès ?
Nous avons dû effectuer un grand nombre de démarches, notamment pour les « interventions urbaines ». L’objectif était de ne pas organiser un Forum entre convaincus, mais bien de s’ouvrir au grand public et aux habitants en rendant visible la thématique du vélo et de la mobilité durable.
Quelles sont les plus grandes réussites de ce Forum, selon vous ?
La connexion avec la nature : tous nos événements extérieurs se sont bien déroulés grâce à une météo favorable. Je citerais également : la cérémonie d’ouverture (inspirée des croyances locales — ndlr), la réappropriation de l’espace public, la place faite aux femmes dans les débats, les rencontres avec les élus locaux et la venue de nombreux écoliers et étudiants au Forum.
Suite au FMB 8, va-t-il y avoir des changements concrets pour les habitants de Quito et pour les équatoriens ?
Des projets ambitieux ont vu le jour, comme par exemple les « Jeux à Vélo » pour favoriser l’apprentissage du vélo, proposés par Lotte Bech (architecte urbaniste danoise, spécialiste du vélo). Le plus important, c’est que les élus se soient engagés officiellement lors de ce Forum en faveur du vélo. Nous avons les enregistrements ! Les élections viennent d’avoir lieu. Les élus prennent leurs fonctions le 14 mai 2019.
Les pays européens ont-ils des choses à apprendre des pays latino-américains, et vice-versa ?
Je suis convaincue que les échanges de connaissances dans le cadre de Forums comme celui-ci sont positifs. Il nous reste à concrétiser le changement. Nous sommes dans une phase d’apprentissage. Nous devons adapter les outils existants au contexte latino-américain.