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Embarquer les vélos dans les trains va t-il devenir un droit ?

Evo­lu­tion para­doxale : l’interdiction récente des vélos dans tous les TGV du Grand Est, et le vote his­torique du Par­lement européen stip­u­lant que tous les trains dans l’Union européenne, neufs ou rénovés, devront com­pren­dre huit emplace­ments pour les vélos non démon­tés.

Cette avancée, inat­ten­due par son ampleur, s’est incrustée dans la révi­sion du règle­ment des droits des voyageurs fer­rovi­aires qui con­stitue un pro­grès pour tous les voyageurs et notam­ment les per­son­nes hand­i­capées.

Le vote du 15 novembre

Dans sa ver­sion actuelle datant de 2007, l’article 5 con­cer­nant le vélo est trop lax­iste pour oblig­er les com­pag­nies fer­rovi­aires à les accepter. La nou­velle for­mu­la­tion pro­posée par la Com­mis­sion était plus favor­able aux cyclistes mais pas assez con­traig­nante. En liai­son avec la Fédéra­tion européenne des cyclistes, les Fédéra­tions français­es de pro­mo­tion du vélo (FUB, FNAUT, FFvé­lo, AF3V, CCI, les Amis de la Nature France, Cyclo-TransEu­rope) ont agi auprès des par­lemen­taires européens pour qu’ils adoptent un texte plus direc­tif garan­tis­sant au moins qua­tre places dans tous les trains cir­cu­lant sur le ter­ri­toire de l’Union européenne.

De son côté le groupe des Verts au Par­lement européen, emmené par Kari­ma Del­li, a déposé un amende­ment spé­ci­fi­ant que tous les trains neufs ou rénovés devaient dis­pos­er de huit emplace­ments pour les vélos non démon­tés ; la pré­ci­sion est impor­tante.

Il a été adop­té par la com­mis­sion trans­ports, puis le 15 novem­bre par le Par­lement européen par qua­si­ment tous les groupes poli­tiques. Lors de la séance plénière, la Com­mis­saire aux Trans­ports, Vio­lette Bulc, s’est « félic­itée de cet amende­ment qui encour­age un mode de trans­port écologique comme le vélo », et s’est même déclarée « ent­hou­si­aste ». Il s’est trou­vé une large majorité réu­nis­sant gauche et droite pour soutenir cet amende­ment.

Un règlement d’application générale…

Les règle­ments sont des actes lég­is­lat­ifs con­traig­nants. Ils doivent être mis en œuvre dans leur inté­gral­ité, dans toute l’Union européenne. En l’occurrence il oblige toutes les com­pag­nies fer­rovi­aires à adapter leurs matériels voyageurs neufs et rénovés. A la dif­férence des direc­tives, ils n’ont pas à être trans­posés dans le droit nation­al, ni à faire le tour des 28 par­lements. Ils sont d’application immé­di­ate ou à la date fixée, soit pour ce texte en 2024. Enfin le Par­lement n’a pas adop­té de clause de force majeure qui aurait été une échap­pa­toire pour appli­quer le texte selon le bon vouloir des exploitants.

… qui doit être validé par le Conseil européen

La suite du proces­sus lég­is­latif exige, pour que le règle­ment soit applic­a­ble, un accord entre le Con­seil européen, com­posé des min­istres des Trans­ports des pays mem­bres, et le Par­lement. Des négo­ci­a­tions vont donc avoir lieu entre ces deux entités, avec la médi­a­tion de la Com­mis­sion, pour par­venir à un texte com­mun.

Reflet des posi­tions des com­pag­nies fer­rovi­aires, la Com­mu­nauté européenne du rail (CER) qui les rassem­ble a pub­lié le jour même du vote du par­lement un com­mu­niqué s’opposant aux dis­po­si­tions com­pris­es dans ce règle­ment et, on pou­vait s’y atten­dre, aus­si à  « la remise à neuf for­cée de tous les trains exis­tants pour accueil­lir huit vélos non démon­tés ». Ce qui est par­tielle­ment inex­act puisque cela ne con­cerne, à ce stade, que les trains neufs et rénovés. Antic­i­pant sans doute cette réac­tion, plusieurs députés européens ont souligné qu’on s’était beau­coup occupé jusqu’ici de pro­téger les entre­pris­es. Renaud Muse­li­er a déclaré : « main­tenant, je souhait­erais qu’on s’occupe essen­tielle­ment des pas­sagers ». Dont les cyclistes.

Du bon vouloir au droit

Même à Copen­h­ague, les pos­si­bil­ités d’emport des vélos dans les trains sont lim­itées. ©E. Marchan­dise

L’introduction de la con­cur­rence impose aux com­pag­nies fer­rovi­aires de se trans­former pour devenir con­cur­ren­tielles, réduire les coûts, séduire le voyageur le plus rentable, ce qui ne sem­ble pas être le voyageur cycliste qui, avec son vélo, occupe un espace sup­plé­men­taire qui pour­rait être util­isé par d’autres voyageurs. Pour les exploitants, le vélo dans le train est un espace per­du. On peut dis­cuter cette posi­tion mais elle est très large­ment répan­due dans les com­pag­nies fer­rovi­aires en Europe. Même aux Pays-Bas, par­adis du vélo, les pos­si­bil­ités d’emport des vélos dans les trains sont lim­itées.

Du coup, les défenseurs du vélo ont dû s’adapter. On est passé de la reven­di­ca­tion auprès de l’exploitant monop­o­lis­tique (SNCF en France) à la demande de la mise en place d’une lég­is­la­tion qui impose aux exploitants de créer des emplace­ments pour les vélos dans les trains. De la bonne volon­té, des aléas des change­ments des cir­cu­la­tions fer­rovi­aires, des dys­fonc­tion­nements de l’information qui attribuent des places vélos à des trains qui n’en ont pas et plus sou­vent l’inverse, on passe au droit oppos­able.

Et c’est alors qu’arrive la loi LOM

Curiosité du cal­en­dri­er, le vote du par­lement européen des Droits des voyageurs fer­rovi­aires est suivi quelques semaines après du pas­sage au Par­lement de la fameuse, très atten­due par les cyclistes, loi d’orientation sur les mobil­ités. Elle apporte des avancées pour le vélo, notam­ment pour le sta­tion­nement des vélos en gare, mais ignore l’embarquement des vélos non démon­tés dans les trains.

A cette occa­sion, un amende­ment sera déposé lors du pas­sage de la loi début 2019 et des ini­tia­tives sont pro­gram­mées par la coali­tion pour le trans­port des vélos dans les trains. Le but est d’anticiper le règle­ment européen, de se pré­mu­nir con­tre un recul qu’on ne peut écarter et aus­si de faire pres­sion sur le gou­verne­ment français pour qu’au Con­seil européen, il lui apporte son sou­tien.

Une combinaison efficace

La com­bi­nai­son du train et du vélo est à la fois très effi­cace et con­forme à la mise en place d’alternatives à la voiture. Si elle représente un sur­coût, ce qui reste à démon­tr­er, ses gains externes les jus­ti­fient (peu de pol­lu­tion, de gaz à effet de serre, d’espaces naturels gaspillés, etc.).

La com­bi­nai­son train + vélo est aus­si une solu­tion effi­cace dans les zones mal desservies par les trans­ports publics ©E.Marchandise

La réu­nion du train et du vélo est aus­si une solu­tion effi­cace dans les zones mal desservies par les trans­ports publics. Quand il n’y a pas de bus d’un ou des deux côtés de l’accès au train, le vélo est la solu­tion rêvée. Il est évidem­ment indis­pens­able au développe­ment du vélo­tourisme pour arriv­er au point de départ de la ran­don­née, les tra­jets en cours (pannes, fatigue…) et en repar­tir. Il apporte une grande lib­erté en n’obligeant pas, comme la voiture, à revenir au point de départ.

Bon voy­age en train avec votre vélo !

Le texte adop­té

Amende­ment voté le 15 novem­bre 2018 par le Par­lement européen :

« Les voyageurs ont le droit d’embarquer des bicy­clettes à bord d’un train, y com­pris pour les ser­vices à grande vitesse, les ser­vices longue dis­tance, les ser­vices trans­frontal­iers et locaux.

Tous les trains de voyageurs neufs ou remis à neuf doivent, au plus tard deux ans après l’entrée en vigueur du présent Règle­ment, com­porter un emplace­ment bien indiqué pour le trans­port de bicy­clettes non démon­tées avec un min­i­mum de huit emplace­ments. Les entre­pris­es fer­rovi­aires, les vendeurs de bil­lets, les voy­ag­istes et, le cas échéant, les directeurs de gare doivent informer les voyageurs, au plus tard au moment de l’achat du bil­let, des con­di­tions applic­a­bles au trans­port des bicy­clettes sur tous les ser­vices con­for­mé­ment au règle­ment (UE) n° 454/2011. »

 

Paroles de députés

Kari­ma Del­li (Verts/ALE)
« Aujourd’hui, nous avons la pos­si­bil­ité de faire aimer le train en équipant de huit emplace­ments pour vélos au min­i­mum tous les trains, du train région­al au train à grande vitesse ».

Renaud Muse­li­er (LR), au nom du groupe PPE
« C’est un grand pas pour une mobil­ité plus douce et respectueuse et c’est une mesure essen­tielle pour tenir nos engage­ments pris dans le cadre de la COP ».

Un article à lire aussi dans Vélocité148 — septembre-octobre 2018, une publication de la FUB.