Pourquoi as-tu choisi de te lancer à titre professionnel ?
Arrivé en banlieue parisienne il y a 30 ans, je me suis investi dans des activités pro-vélo. Nous avons créé en 2002 la Fédération pour les circulations douces en Essonne (FCDE), plein d’enthousiasme dans un contexte porteur. J’ai vécu l’amélioration spectaculaire de la mobilité à vélo sur Paris et en parallèle l’effondrement de la pratique du vélo en grande banlieue(1). La concertation avec les collectivités locales a souvent été frustrante. Nous avons pris conscience qu’agir seulement sur les infrastructures cyclables était insuffisant. En 2015, j’ai eu envie de faire de cet engagement militant une activité professionnelle à plein temps. J’ai dû opter pour le statut d’auto-entrepreneur. Le complément d’ARE (Aide au Retour à l’Emploi) me permettait de prendre certains risques pour me lancer.
Comment t’es-tu formé à ce métier ?
Je n’avais pas d’expérience, juste une attirance après avoir lu des témoignages sur les premières vélo-écoles. J’ai décidé de me former en passant le Certificat de qualification professionnelle d’Educateur mobilité à vélo. J’ai acquis de bonnes bases théoriques et pratiques, surtout pour des groupes d’enfants. Ma vraie expérience de formation d’adultes, je l’ai acquise avec des stages pratiques à l’AICV à Paris, à la vélo-école de Brunoy et dans une école de vélo FFCT.
Quelle pédagogie proposes-tu ?
La même que dans beaucoup de vélo-écoles : un cycle apprentissage des fondamentaux pour les primo-débutants et un cycle de perfectionnement ou de remise en selle(2). J’incite les élèves à poursuivre par un cycle conduite en ville et à terminer par un test de conduite en autonomie. Même si leur objectif de départ est la balade ou l’activité physique, cela me parait indispensable de savoir rouler à vélo dans la circulation.
Quel bilan tires-tu de ta première année d’activité ?
Du plaisir : l’apprentissage du vélo procure une forte gratification sur le plan humain. Il leur faut surmonter des peurs, voire une forme de honte de ne pas savoir faire du vélo comme tout le monde. La plupart de mes élèves sont des femmes, dont la majorité sont originaires d’Afrique noire, du Maghreb ou des Antilles. Celles et ceux qui trouvent les moyens de venir dans une vélo-école sont très motivés, et deviennent vite des amis. On les retrouve avec plaisir lors des balades familiales. En tant que formateur professionnel, cela ne suffit pas sur le plan financier. Je fais donc également des prestations en milieu scolaire et en entreprises.
Quel type de prestations en entreprise proposes-tu ?
Pour l’instant, ce sont essentiellement des formations sur la sécurité à vélo. Les employeurs ont encore une vision accidentogène du vélo (lors de déplacements domicile-travail). Je préférerais aborder le vélo sous un angle plus positif, dans le cadre des Plans de mobilité en entreprise. Mais dans notre secteur, aucune entreprise n’a encore envisagé le vélo comme une carte à jouer pour résoudre les problèmes de mobilité. L’angle « sécurité » m’a amené à approfondir les questions d’accidentologie et à trouver les leviers pour améliorer la sécurité des cyclistes. J’ai pu mettre en valeur cette compétence pour la formation de livreurs à vélo : j’y ai découvert des cyclistes « ordinaires », qui passent des heures sur leur vélo, avec beaucoup de marges de progrès en termes de sécurité. Une expérience passionnante. J’ai eu aussi l’opportunité d’assurer deux sessions de formation au brevet d’IMV (Initiateur mobilité à vélo) en 2017 : un challenge et le plaisir de nouer des contacts avec d’autres passionnés.
Avec ce changement de statut, comment a évolué ta relation avec les associations ?
Avec les associations locales membres de la FCDE(3), nous avons constitué un collectif. Nous partageons un local pour le stock de vélos et pour l’atelier d’auto-réparation animé par nos collègues bénévoles. Nous organisons des balades familiales, en complément de la vélo-école. Maintenant que nous ne sommes plus seulement une poignée de militants revendicatifs, les élus nous écoutent mieux et le compte Facebook de la mairie répercute les informations du nôtre.
Qu’est ce que t’apporte la FUB ?
En tant que militant, puis en tant qu’auto-entrepreneur animant une vélo-école, ce sont surtout des informations, des outils et des échanges avec le réseau : listes de discussion, rencontres et formations thématiques. J’ai pu conduire des formations grâce à mes contacts locaux mais également grâce à la FUB et au réseau associatif dans son ensemble. Je suis demandeur d’outils de formation pour les personnes qui ont déjà un certain niveau de conduite, je pense en particulier aux professionnels à vélo. Comme on l’a fait pour les formations CQP EMV et IMV, si nous pouvions mettre au point un brevet pour les professionnels à vélo, qui comporte des compétences validées, cela rassurerait beaucoup les employeurs. Ce volet formation pourrait d’ailleurs être intégré aux actions en faveur du vélo, dans le cadre des Plans de mobilité à mettre en place par les entreprises.
FUB
(1) A Paris, les déplacements à vélo ont été multipliés par près de 10 en 20 ans de 1991 à 2010. A l’inverse, en Grande Couronne, ils n’ont cessé de reculer jusqu’au début des années 2000, à près de 1 % des déplacements. (sources : EGT).
(2) Pour les détails sur l’organisation des séances, www.provelo91.fr > Vélo-écoles.
(3) Dare-Dare, Se Déplacer Autrement dans la Région d’Evry, et La Roue Tourne à Ris-Orangis.