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Suivi et évaluation : de l’intérêt de compter les vélos

Les enjeux des données sur l’usage du vélo

Le suivi et l’évaluation sont encore bien sou­vent les par­ents pau­vres des poli­tiques cyclables. Pour­tant, la con­struc­tion de don­nées sur l’usage du vélo per­met de répon­dre à trois besoins majeurs :

Aider à la déci­sion : quel axe pri­oris­er, quel type d’aménagement ou de ser­vice favoris­er,… ;
Éval­uer les poli­tiques de déplace­ment : ce bud­get a-t-il rem­pli l’objectif don­né, aurait-il été mieux affec­té autrement,.. ;
Don­ner de la vis­i­bil­ité à la pra­tique du vélo et com­mu­ni­quer : ce dernier point est sans doute stratégique pour les défenseurs du vélo. Dis­cret, silen­cieux, con­cen­tré aux heures de pointe, flu­ide,… le cycliste est un usager de la voirie peu vis­i­ble et il est facile de crier à la piste vide. De plus, les out­ils tra­di­tion­nels de suivi des mobil­ités ne sont sou­vent pas pen­sés pour le vélo, mais pour la voiture et les trans­ports en com­mun afin de répon­dre à des prob­lé­ma­tiques de dimen­sion­nement d’infrastructures. Or, si les cyclistes ne sont ni vis­i­bles ni comp­tés, ils risquent fort d’être oubliés.

Qui produit les données ?

Tra­di­tion­nelle­ment, les col­lec­tiv­ités locales suiv­ent l’usage du vélo au moyen d’enquêtes (les plus con­nues étant les enquêtes ménages) et de comp­tages humains. Cepen­dant, de nou­velles tech­niques ont fait leur appari­tion ces 20 dernières années, dont 2 prin­ci­pales :

• Les comp­teurs automa­tisés per­me­t­tent la pro­duc­tion de don­nées en con­tinu sur des points pré­cis ;
• Les relevés de traces GPS par appli­ca­tions mobiles per­me­t­tent la con­struc­tion de cartes des flux cyclistes.
Grâce à ces don­nées, les col­lec­tiv­ités sont en mesure d’évaluer leur poli­tique cyclable, comme elles sont par­fois tenues de le faire dans le cadre des comptes déplace­ments des plans de mobil­ités ou bien d’appels à pro­jets notam­ment européens.

Résul­tats des comp­tages effec­tués le 3 juil­let 2018 par Vélo-Cité Bor­deaux

Le milieu associatif peut faire la différence

Bien que les col­lec­tiv­ités soient les mieux armées pour suiv­re la mobil­ité cyclable, elles n’en ont pas le mono­pole. Les asso­ci­a­tions ont tout intérêt à s’emparer de ce sujet, et le font d’ailleurs de plus en plus.

En pre­mier lieu, il est sou­vent pos­si­ble d’accéder à cer­taines don­nées émis­es par la col­lec­tiv­ité en open data : comp­tages automa­tiques ou don­nées d’utilisation des vélos en libre-ser­vice par exem­ple. Avec quelques pré­cau­tions sta­tis­tiques, ces don­nées peu­vent être relayées, retra­vail­lées si néces­saire et devenir des vecteurs de com­mu­ni­ca­tion puis­sants. On pour­ra citer par exem­ple le site compteurs.parisenselle.fr.

Mais les asso­ci­a­tions peu­vent égale­ment créer la don­née. Le Baromètre des Villes Cyclables est de ce point de vue emblé­ma­tique. Grâce à un relais mas­sif de l’enquête, il a per­mis de con­stru­ire des don­nées dans des com­munes où celles-ci sont très rares, mais égale­ment de pro­pos­er une éval­u­a­tion par l’usage, com­plé­men­taire aux méth­odes d’évaluation plus tra­di­tion­nelles.

Les comp­tages humains sont par ailleurs tout à fait à la portée des asso­ci­a­tions même les plus petites pour peu qu’elles fassent preuve d’un min­i­mum de rigueur. Bien que ne per­me­t­tant pas la même ampli­tude tem­porelle qu’un comp­teur automa­tique, ils peu­vent fournir des don­nées beau­coup plus qual­i­fiées : type de vélo, sens de cir­cu­la­tion, répar­ti­tion par type, part de livreurs à vélo…

L’association Droit au Vélo à Lille est un bon exem­ple. Grâce à ses bénév­oles, elle effectue des comp­tages réguliers sur des points stratégiques de l’agglomération et pub­lie avec le Cere­ma depuis 2016 un « Indice semes­triel d’usage du vélo » mon­trant un qua­si-dou­ble­ment de la pra­tique en 5 ans et lui per­me­t­tant de pub­li­er en juin 2020 un arti­cle sur la répar­ti­tion par type des cyclistes.

À Bor­deaux, l’opération « Les 24h du Pont de Pierre » a été une étape impor­tante du proces­sus de réser­va­tion de celui-ci aux modes alter­nat­ifs à la voiture. Lors de la crise san­i­taire, en Île-de-France ou à Nan­cy, des bénév­oles ont effec­tué des comp­tages pour mon­tr­er que les amé­nage­ments cyclables pro­vi­soires étaient bien util­isés.

Enfin, les citoyens peu­vent égale­ment par­ticiper à l’évaluation des poli­tiques publiques. Par­mi quelques exem­ples, on peut citer l’observatoire du plan vélo de Paris en Selle, qui a encour­agé la mairie à déploy­er le REV ou l’observatoire des coro­n­apistes du Col­lec­tif Vélo Île-de-France à qui on souhaite le même suc­cès. La plus-val­ue prin­ci­pale des  asso­ci­a­tions est leur exper­tise d’usage : à Toulouse, grâce à son site VélObs,
2 pieds 2 roues per­met à ses usagers de faire remon­ter les points noirs à la métro­pole, après un tra­vail de mod­éra­tion.

VelObs, un sys­tème open-source dévelop­pé par 2 pieds 2 roues

Affaire à suivre…

Cette ques­tion du suivi et de l’évaluation des poli­tiques cyclables fait actuelle­ment l’objet d’une thèse en pré­pa­ra­tion à l’Université de Toulouse 2, avec le cofi­nance­ment de Tis­séo Col­lec­tiv­ités. Nous ne man­querons pas de revenir dans Véloc­ité pour vous en partager les prin­ci­paux résul­tats.