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Le revêtement, maillon faible du réseau des véloroutes voies vertes

Aujourd’hui, en France, les amé­nageurs de vélor­outes voies vertes priv­ilégient de plus en plus les revête­ments en sable sta­bil­isé. Un choix large­ment prob­lé­ma­tique, qui pénalise forte­ment les usagers : ce type de revête­ment s’abîme vite, sup­porte mal les intem­péries et demande plus d’efforts lorsqu’on roule. Bref, le bilan est franche­ment négatif.

Le revêtement : un choix politique aux conséquences humaines importantes

Le via­duc de Chavala­mard en Auvergne-Rhône-Alpes ©AF3V

Opter ain­si, délibéré­ment, pour un mau­vais revête­ment, c’est faire entrave à la pra­tique du vélo pour les tra­jets quo­ti­di­ens. Pour se ren­dre au tra­vail, seuls de rares « mor­dus » sont prêts à cir­culer chaque jour sur des voies incon­fort­a­bles et épuisantes, pous­siéreuses en été et détrem­pées en hiv­er.

Ne pas revêtir une vélor­oute voie verte, c’est aus­si faire un choix d’aménagement qui va dès le départ exclure beau­coup d’usagers poten­tiels. On pense par exem­ple aux per­son­nes âgées, aux enfants, aux pré­caires, aux per­son­nes à mobil­ité réduite, aux familles avec pous­sette, aux trot­tinettes et aux rollers…

Une sit­u­a­tion que Julien Dubois, Prési­dent de l’AF3V, dénonce avec énergie : « Le revête­ment, ce n’est pas un sim­ple élé­ment du décor : c’est l’interface directe entre l’usager et l’aménagement. Ce n’est pas un détail par­mi d’autres. C’est un critère de sélec­tion des usagers. Choisir un revête­ment qui n’est pas opti­mal, ça revient à exclure cer­taines caté­gories de per­son­nes. » Le con­stat est sans appel. Au moment où nous devons plus que jamais accélér­er la tran­si­tion écologique et sociale, ces choix d’aménagements sont une aber­ra­tion.

Pourquoi, dès lors, les amé­nageurs pour­suiv­ent-ils dans cette direc­tion ? Les raisons invo­quées sont mul­ti­ples : ce type de revête­ment serait notam­ment plus écologique et per­me­t­trait une meilleure inté­gra­tion paysagère.

Des prétextes écologiques et paysagers… qui ne tiennent pas la (vélo)route !

Pénalis­er les usagers non pol­lu­ants pour mieux préserv­er l’environnement ? Voilà l’étrange cal­cul réal­isé par beau­coup d’aménageurs de vélor­outes voies vertes aujourd’hui. Pour­tant, miser sur des voies non revêtues n’est en aucun cas une garantie de meilleur choix écologique.

A pre­mière vue, le bilan car­bone des amé­nage­ments en enrobé est effec­tive­ment plus lourd… Cepen­dant, priv­ilégi­er l’enrobé, c’est d’abord favoris­er forte­ment le développe­ment d’une mobil­ité décar­bonée à vélo et à pied. C’est aus­si faire le choix d’un revête­ment plus solide, donc plus durable dans le temps et beau­coup plus économique. Par ailleurs, les don­nées les plus récentes en la matière prou­vent que les qual­ités écologiques du sta­bil­isé sont plus que dis­cuta­bles et sujettes à cau­tion.

Et l’intégration paysagère alors ? Couleur de la voie, amé­nage­ment et entre­tien de ses abor­ds… Les leviers pour ren­dre une voie en enrobé mieux inté­grée à son envi­ron­nement sont nom­breux. Et ils se mul­ti­plient au fil des inno­va­tions tech­nologiques qui foi­son­nent dans ce domaine !

Alors pourquoi s’entêter dans cette « voie sans issue » ? Julien Dubois plaide pour une prise en compte de tous les enjeux, dès lors que des choix de revête­ments devront être arbi­trés : « A l’AF3V, nous défendons une approche glob­ale qui prend en compte les enjeux économiques, envi­ron­nemen­taux et soci­aux. La seule façon de réalis­er des vélor­outes et voies vertes d’intérêt général, c’est de penser dès le départ aux publics les plus larges pos­si­bles. Je pense en par­ti­c­uli­er aux per­son­nes pré­caires, pour qui les voies vertes représen­tent un enjeu majeur d’inclusion sociale. »

Aujourd’hui, toutes les col­lec­tiv­ités dis­ent vouloir s’engager pour les mobil­ités actives, le vélo quo­ti­di­en, le vélo pour tous. Elles doivent main­tenant pass­er aux actes en dévelop­pant des vélor­outes et voies vertes véri­ta­ble­ment cyclables, donc liss­es !

Un article à lire aussi dans Vélocité n°154 — janvier-février-mars 2020, une publication de la FUB.