À Paris, la volonté politique en faveur du vélo est forte. Malgré cela, les nouvelles infrastructures cyclables sont encore souvent décevantes, voire dysfonctionnelles. La volonté politique ne suffit pas : une expertise technique est indispensable. Après 60 ans d’ingénierie du trafic consacrée à l’automobile, la France a du retard. Le guide du Certu (devenu CEREMA), mis à jour en 2008 (1), s’appuie sur un guide hollandais de… 1993. Bien que le CEREMA ait depuis publié des fiches vélo et un chapitre dédié dans son guide de la voirie urbaine (2016), certaines recommandations restent obsolètes (2).
Un guide au parfum de gouda
Dans ce contexte, l’association Paris en Selle a rédigé son propre guide. En 144 pages richement illustrées, il formalise une nouvelle vision de la cyclabilité et des outils pour la mettre en œuvre. À destination d’abord de ses militants, pour les aider à élaborer des revendications cohérentes et structurées, le guide de l’association ambitionne aussi de pousser Paris à moderniser sa doctrine d’aménagement cyclable. Et de nourrir les réflexions de la FUB, qui, à la différence de son homologue allemande (3), n’a pas encore de doctrine en la matière.
Pour les auteurs, Simon Labouret et Rivo Vasta, les Pays-Bas sont LA référence : les 40 ans de R&D du royaume du vélo peuvent nous guider. Les autorités ont eu l’opportunité de mettre en place et évaluer de nombreux aménagements et de mettre de côté les moins efficaces. Par exemple, tandis que la France prévoit de systématiser le sas vélo, les Pays-Bas l’ont retiré depuis longtemps de leurs bonnes pratiques. Leur guide propose ainsi de bousculer quelques idées reçues.
Les cyclistes ne veulent pas partager la route
Si l’objectif est de démocratiser l’usage du vélo, il faut s’intéresser à la psychologie des personnes qui ne pédalent pas encore : les aménagements cyclables doivent répondre à leurs attentes. Des études américaines (4) ont montré qu’une grande partie de la population des villes est prête à se déplacer à vélo… à condition de pouvoir pédaler à l’abri de la circulation motorisée. Le Baromètre des villes cyclables 2017 et une étude réalisée par la ville de Paris en 2014 semblent le confirmer.
Attention, donc, à son ressenti de « cycliste pionnier » sur ce qui est cyclable ou pas ! La bande cyclable et le sas vélo ne suffisent pas à mettre en selle cette population « intéressée mais inquiète ». Mais puisqu’il n’est ni possible ni souhaitable de mettre des pistes cyclables partout, le guide propose également une nouvelle définition de la rue apaisée. La clé ? Le volume de trafic : s’il est agréable de pédaler sur une route de campagne peu fréquentée (même limitée à 80 km/h), il est désagréable de pédaler dans une zone 30 embouteillée…
En résumé : « pour séduire le plus grand nombre, le vélo doit permettre de se déplacer efficacement de A à B sans avoir à subir la pression du trafic motorisé » ! Vous pouvez acheter le guide (20 €) ou le télécharger en PDF (don libre) sur le site de Paris en Selle (5).
Notes :
(1) https://cutt.ly/Zetwkvb
(2) La transformation des pistes en bandes cyclables en amont des intersections par exemple.
(3) https://cutt.ly/Oetwk91
(4) https://cutt.ly/wetwlN2
(5) https://cutt.ly/tetwzll