Comment rendre la ville confortable et sûre à vélo ? C’est en se basant sur cette problématique que nous avons, grâce à l’expertise de Charles Maguin et Rivo Vasta, questionné et mis en pratique les théories d’un urbanisme “cyclable”.
4 types de cyclistes
Dans un premier temps, nous avons défini la cible des futurs aménagements cyclables en se basant sur les données de l’étude de 2006 “Four Types of Cyclists” menée par Roger Geller, coordinateur au Portland Office of Transportation [service des transports de la ville de Portland]. Cette étude a depuis été transposée dans de nombreuses villes de différents pays ayant une faible part modale de vélo, et les résultats sont souvent similaires.
Source image : Jennifer Dill, Ph.D.
60% des personnes interrogées se disent “intéressées mais inquiètes” (en jaune), c’est à dire peu rassurées à l’idée de circuler à vélo, et ce pour deux raisons principales : la peur de la circulation, et la peur du vol. Pour capter ces 60 %, l’objectif est de sécuriser ces deux points, où au moins de créer une sensation de sécurité. À ce titre, la notion de comportement rationnel a été largement soulevée lors de l’atelier : pour les utilisateurs, les statistiques d’accidents ont peu d’impact par rapport au « sentiment » de sécurité qui est bien plus susceptible d’influencer leur utilisation du vélo. Des outils tels que le baromètre des villes cyclables initié en 2017 permettent de capter les impressions des usagers sur certains aménagements, et de les améliorer.
Pour les intervenants, le critère déterminant clé qui permet de déterminer la cyclabilité d’une voie, c’est le nombre de voitures. Ce critère est plus important que la vitesse pour déterminer le type d’aménagement à adopter. Une voie avec peu de voitures, dévouée uniquement à du trafic local, ne nécessitera pas forcément d’aménagement particulier. Un aménagement particulier (arbres, potelets) peut également être mis en place pour pacifier le trafic en cassant la vitesse, et créer un partage de voirie.
Si le trafic est problématique, dans la mesure où l’espace disponible est suffisant, les collectivités seront capables d’aménager des pistes cyclables, séparées ou non de la voirie principale. Si ce réaménagement est techniquement impossible, il faudra prévoir une réduction de trafic, à l’aide d’un nouveau plan de circulation en général, comme l’illustre l’exemple de Barcelone.
Les Superilles de Barcelone
Comment réaménager un quartier afin de rendre impossible sa traversée directe ? La ville de Barcelone a créé des boucles : tous les endroits restent accessibles mais les rues qui entrent dans le quartier vous forcent à en ressortir rapidement, sans connexion directe avec la continuité du gros axe sur lequel vous vous trouviez. Cela libère notamment la circulation des modes doux, pour un coût minime. Dans les Superilles ou Supermanzanas de Barcelone, plusieurs pâtés de maisons sont reliés entre eux. A l’intérieur, les piétons et les cyclistes ont la priorité tandis que les résidents des blocs peuvent conduire à une vitesse lente (10 km/h). Ces quartiers auparavant pauvres en espaces verts ont pu être réaménagés avec des parcs, des places et des jardins. Là où l’espace était principalement dévolu à la circulation (des voitures !), ce modèle a permis de multiplier les usages et les fonctions (parcs, jeux, musique, commerce, etc.).
Source image : BCNecologia
Piste à Paris
Comment réaménager un grand boulevard, afin de partager l’espace entre différents modes de déplacements et pacifier la voirie ? Charles et Rivo ont présenté aux participants de l’atelier le logiciel Streetmix, outil en ligne qui permet de visualiser un remodelage de voie.
Prenons l’exemple d’un grand boulevard parisien où la voiture disposait d’une largeur énorme de voirie.
Après avoir réduit la largeur des voies dédiées à l’automobile à 3m, considérés amplement suffisant, il est possible de positionner une piste cyclable de chaque côté de la voirie. Les intervenants ont mis l’accent sur la qualité de l’aménagement:
- zone tampon entre un potentiel stationnement et la piste, largeur minimale pour éviter le « dooring », sanctuarisation de l’espace piéton, continuité aux carrefours…
Avec quelques principes clés, et grâce aux outils présentés, on a pu se rendre compte que monter en compétence et fixer des standards plus élevés est à la portée de tout le monde: une ville vraiment cyclable, c’est possible et ce n’est pas qu’un coup de peinture au milieu des voitures.