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L’impossible Saint-Malo — Dinard à vélo par le barrage de la Rance

Même si vous n’êtes pas de la région, vous avez sans doute enten­du par­ler du bar­rage de la Rance (Ille-et-Vilaine), avec son usine maré­motrice qui pro­duit de l’électricité grâce à l’énergie des marées. Inau­guré en 1967, il sert de sup­port à une route à qua­tre voies très fréquen­tée avec plus de 30 000 véhicules en moyenne par jour. Un chiffre qui peut grimper jusqu’à 50 000 en été. Bien qu’étant un tronçon du grand itinéraire européen l’Eurovélo 4 (Europe Cen­trale Roscoff), il n’existe aucun amé­nage­ment pour les cyclistes ni sur le bar­rage (750 m), ni sur ses accès routiers.

Un arti­cle de Véloc­ité n°129, de jan­vi­er-févri­er 2015, relatait l’effarement de cyclo­touristes du pays de Gex décou­vrant que « la seule solu­tion pour rejoin­dre Saint-Malo est de pren­dre la 2 x 2 voies qui passe sur le bar­rage de l’usine maré­motrice de la Rance. (.…)  Nous devons quand même nous lancer sur la 2 x 2 voies , où la cir­cu­la­tion est rapi­de et dense et où il n’y a aucun amé­nage­ment cyclable (…). Nous voyons plusieurs autres vélos, cela sem­ble donc habituel mais pour nous ça ne l’est vrai­ment pas ! ».

Hélas, rien n’a changé depuis…

L’aménagement du pas­sage pour les vélos sur le bar­rage de l’usine maré­motrice de la Rance et ses accès est une ques­tion majeure sur laque­lle tra­vail­lent depuis plusieurs années les asso­ci­a­tions affil­iées à la FUB, présentes sur le ter­ri­toire.

Des actions

A l’initiative des asso­ci­a­tions « À Vélo Malo » de Saint-Malo et « Liaisons douces en pays de Dinan », une réu­nion publique avait été organ­isée le 23 avril 2016 avec plusieurs représen­tants de divers­es col­lec­tiv­ités, dont le con­seiller départe­men­tal en charge des liaisons douces. Plusieurs asso­ci­a­tions bre­tonnes affil­iées à la FUB, Olivi­er Schnei­der ain­si que le représen­tant départe­men­tal de l’AF3V avaient fait le déplace­ment. Des propo­si­tions d’aménagements sur le bar­rage et ses abor­ds pour faciliter le pas­sage des cyclistes ont alors été avancées et dis­cutées. Débouchant notam­ment sur notre propo­si­tion d’établir en encor­belle­ment, côté bassin, une passerelle sup­por­t­ant une piste bidi­rec­tion­nelle descen­dant depuis le radar et pas­sant devant les vannes, jusqu’à rejoin­dre la par­tie courante du bar­rage où le trot­toir est plus large. Cet investisse­ment pour les cir­cu­la­tions douces pour­rait être l’occasion d’un beau geste archi­tec­tur­al.

En avril 2016, véloru­tion sur le bar­rage de la Rance organ­isée par les asso­ci­a­tions bre­tonnes, en présence d’Olivier Schnei­der. ©Liaisons douces en pays de Dinan

Comme cette réu­nion avait été suiv­ie d’une « véloru­tion » sur le bar­rage, des arti­cles sont ensuite parus dans la presse locale. En novem­bre 2016, le Con­seil départe­men­tal a demandé aux deux com­mu­nautés de com­munes con­cernées des deux côtés de la Rance de tra­vailler sur ce sujet.

Les déplace­ments à vélo au quo­ti­di­en ne doivent pas faire oubli­er l’importance touris­tique pour la région Bre­tagne d’une liai­son cyclable de qual­ité sur le bar­rage de la Rance.

Le 29 juil­let 2018, nos trois asso­ci­a­tions ont accom­pa­g­né à son pas­sage du bar­rage l’association « Cyclo­transeu­rope » qui fait la pro­mo­tion des grands itinéraires européens pour les cyclo­touristes, met­tant ain­si l’accent sur ce point noir d’un grand itinéraire européen. Cela nous a valu un arti­cle avec pho­to à la une du quo­ti­di­en Ouest-France.

De la concertation

En mars 2017 « À Vélo Malo » était invité au siège de Saint-Malo aggloméra­tion  dans le cadre de l’élaboration du sché­ma directeur cyclable de l’agglomération pour arrêter des pistes d’actions… qui n’avaient tou­jours pas été ren­dues publiques début 2019.

Au sein du Comité de développe­ment du pays de Saint-Malo, en 2017 et 2018 a été mené un tra­vail sur les cir­cu­la­tions douces : audi­tions et ren­con­tres avec les com­mu­nautés de com­munes, échanges d’expériences avec des com­munes. Un doc­u­ment de qua­tre pages syn­théti­sant ce tra­vail va être présen­té aux élus du pays en févri­er.

Le 9 jan­vi­er de cette année, une ren­con­tre a eu lieu avec le nou­veau directeur du bar­rage, EDF étant con­ces­sion­naire du bar­rage qui appar­tient à l’État. EDF n’a pas d’objection de principe sur des amé­nage­ments cyclables dès lors que cela n’interfère pas sur son exploita­tion.

Des propositions

Mi-sep­tem­bre 2018, l’association « À Vélo Malo » et la toute nou­velle asso­ci­a­tion « Dinard Émer­aude à vélo » ont écrit con­join­te­ment aux deux maires de Dinard et de Saint-Malo ain­si qu’au Con­seil départe­men­tal, pro­posant :

« Dans l’attente d’une liai­son cyclable sécurisée et pérenne dont l’évidence appa­raît chaque jour plus urgente, nous vous lançons un appel visant à amélior­er la sit­u­a­tion actuelle.
Une solu­tion serait d’adapter les liaisons mar­itimes de bus de mer (10 min de tra­ver­sée). Cette adap­ta­tion con­sis­terait à :

Cette propo­si­tion nous sem­blerait effi­cace pour soulager le traf­ic auto­mo­bile. Elle nous sem­ble en out­re facile à met­tre en œuvre. De plus, elle serait béné­fique aux jeunes cyclistes qui gag­n­eraient ain­si en autonomie pour leurs déplace­ments, et en san­té grâce à un exer­ci­ce physique quo­ti­di­en. »

Bus de mer d’avril à novembre

Il faut savoir qu’en com­bi­nant vélo et navette mar­itime, on peut ral­li­er le cen­tre de Saint-Malo au cen­tre de Dinard en 30 min­utes. En emprun­tant la Route Départe­men­tale 168 qui passe sur le bar­rage, on peut aller de la gare de Saint-Malo au cen­tre de Dinard en moins de 40 min et encore moins si on utilise un vélo à assis­tance élec­trique ; ce qui est équiv­a­lent à la durée du tra­jet en voiture hors sai­son touris­tique.

La mise en place d’un équipement type passerelle pour vélos, tel que nous le pré­con­isons, serait donc béné­fique à la fois pour la san­té des util­isa­teurs et pour l’environnement, en réduisant le traf­ic voitures au prof­it du traf­ic vélos.

Ces propo­si­tions n’ont reçu aucun écho des mairies. Nous avons ren­con­tré en décem­bre 2018 le ges­tion­naire privé des bus de mer, qui assure la liai­son entre Saint-Malo et Dinard d’avril à novem­bre. Il a accep­té de pro­pos­er des tar­ifs plus attrac­t­ifs pour les per­son­nes ayant un vélo.

Un détour de 40 km !

Nous avons ren­con­tré fin sep­tem­bre 2018 le Con­seil départe­men­tal. Il nous a annon­cé que la piste bidi­rec­tion­nelle prévue dans les travaux con­nex­es au grand rond-point des Mil­lières côté Dinard ne sera pas opéra­tionnelle tant que le dossier n’est pas traité dans son ensem­ble. Le Con­seil départe­men­tal  présente par ailleurs comme alter­na­tive pour l’itinéraire EV4 un pas­sage en amont de la Rance par le pont Saint-Hubert, avec un détour de près de 40 km sur routes.

Le site « France vélo tourisme » décon­seille pour des raisons de sécu­rité d’emprunter la D168 (le pas­sage par le bar­rage) et pré­conise ce détour !

Nous avons rap­pelé que nos asso­ci­a­tions mili­tent à la fois pour le cyclo­tourisme, qui se développe d’ailleurs forte­ment, et pour les déplace­ments au quo­ti­di­en ; et que cette solu­tion d’un long détour est totale­ment irréal­iste.

Il est enfin heureuse­ment ques­tion d’une étude de fais­abil­ité pour l’étude de l’aménagement du pas­sage à vélo sur le bar­rage, y com­pris ses accès : un appel à can­di­da­tures va être lancé cette année par le Con­seil départe­men­tal avec un cofi­nance­ment partagé par tiers égaux avec les deux com­mu­nautés de com­munes.

Une pétition…

Dans ce con­texte où les usagers s’exaspèrent de ne pas voir avancer ce dossier de façon con­crète, une péti­tion a été lancée le 10 jan­vi­er par un citoyen cycliste de Saint-Malo agis­sant à titre per­son­nel, inti­t­ulée « Des alter­na­tives à la voiture entre Saint-Malo et Dinard ! » :

« Con­sid­érant que se ren­dre à Dinard depuis Saint-Malo ou l’inverse implique actuelle­ment de se déplac­er en voiture, ou éventuelle­ment en bus avec une fréquence et dans des créneaux horaires très lim­ités.

Con­sid­érant que des travaux impor­tants pour un échangeur routi­er menés par le con­seil départe­men­tal (il s’agit d’une route départe­men­tale) ne pren­nent pas en compte les déplace­ments à vélo.

Con­sid­érant qu’à l’heure de la tran­si­tion écologique, inéluctable, il est néces­saire de dévelop­per des alter­na­tives pour ceux qui ne veu­lent pas utilis­er leur voiture ou pour ceux qui n’en ont tout sim­ple­ment pas.

Plusieurs moyens sont pos­si­bles :

… et peut-être une solution

La leçon à tir­er de ce long, trop long proces­sus de prise de déci­sion est que bien sûr le dossier est com­plexe vu le nom­bre d’intervenants, mais qu’il devient encore plus urgent de trou­ver une solu­tion lorsque les élus ne pren­nent pas en compte de façon sérieuse les avis exprimés par les usagers.

Nous avons donc appelé à sign­er cette péti­tion pour mon­tr­er aux décideurs poli­tiques la volon­té des pop­u­la­tions de dis­pos­er rapi­de­ment, et pas dans 10 ans, d’une liai­son sécurisée pour les vélos entre Saint-Malo et Dinard. A ce jour, elle rassem­ble plus de 900 sig­na­tures !

Nous porterons cette péti­tion au Con­seil départe­men­tal et dans les deux com­mu­nautés de com­munes con­cernées, pour mon­tr­er l’importance que les citoyens attachent à ce dossier, et accélér­er le proces­sus de déci­sion.

Un article à lire aussi dans Vélocité149 — janvier-février 2019, une publication de la FUB.