Dans un hangar proche du centre-ville, Jean-Pierre, Pascal et Pierre s’activent. Ils découpent, l’un des morceaux de papier jaune, l’autre des formes en métal tandis que le troisième prépare de la colle. Le papier jaune se mélange au métal argenté, le premier forme des traits, le second est tout en courbe. Tous sourient. Ils sourient car ils préparent une nouvelle vélorution sur Amiens.
Une vélorution car, à Amiens, ancienne capitale de la région Picardie, pratiquer le vélo au quotidien n’est pas une sinécure. Pas seulement parce que le président de la métropole a déclaré que les cyclistes n’étaient que « 2 % d’emmerdeurs », mais surtout parce que la consigne donnée aux services techniques et aux prestataires est : « ne pas contraindre la voiture » !
Tous se souviennent des trois recours au tribunal administratif déposés en deux ans seulement. Le dernier ne date que d’avril dernier et concerne la rénovation d’une entrée de la ville(1). Alors que la métropole installe un bus à haut niveau de services (BHNS), elle décide — pour ne pas supprimer de place de parking — de conserver le stationnement en épi sans créer d’aménagement cyclable. Qu’à cela ne tienne, il lui suffit de mettre l’avenue à 30 km/h pour espérer rester en conformité avec la loi Laure ! Le recours de Véloxygène au tribunal ne comprenait pas moins de dix-sept pièces. Il était bien plus complexe que le premier, déposé en 2016 : pour une autre entrée de ville, la métropole avait dépensé 3,2 millions d’euros et n’avait créé que 25 mètres de bandes cyclables.
Jeudi 28 juin, la vélorution se met en place devant l’hôtel de ville dans un concert de sonnettes. Jean-Pierre, président de Véloxygène, prend la parole et fustige la communication de la métropole, pour qui « tout va bien »… pour les automobilistes. La centaine de cyclistes prend sa place sur la chaussée, toute sa place, comme on l’apprend lors des stages de « remise en selle ».
Les papiers jaunes sont collés sur le sol et forment une ligne discontinue de chantier, les formes rondes dessinent maintenant le picto d’un cycliste. En peu de temps, Véloxygène crée des sas vélos aux carrefours en travaux d’une ville en chantier.
Le cortège des cyclistes arrive rue de la République. Cette rue, en plein centre, dessert de nombreux services publics. En 2012, elle avait été équipée d’une bande et d’un double sens cyclables. Patatras ! Fin 2016, la mairie d’Amiens les supprime et efface toute trace d’aménagement pour les cyclistes. Cela méritait bien aussi un recours au tribunal administratif ! Alors aujourd’hui, en plus d’un sas vélo éphémère, Véloxygène accroche au feu le premier « cédez-le-passage cycliste » d’Amiens. Le premier ? Eh oui, il paraît qu’installer ces panneaux « favoriserait les cyclistes au détriment des automobilistes ». On aimerait que ce ne soit qu’un rêve…
C’est quatre ou cinq sas vélos que la vélorution a déposés sur son passage. Des traces éphémères, mais une belle action de sensibilisation du public, effectuée dans la bonne humeur.
(1) Les procédures sont toujours en cours.