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Le vélo et la marche contre les bouchons

Une réponse rapi­de et ordi­naire à la con­ges­tion est l’augmentation de voiries con­sacrées à la voiture. Cette solu­tion est de moins en moins réal­is­able et on incite majori­taire­ment au report sur les trans­ports en com­mun (TC). En effet, la réal­i­sa­tion d’infrastructures cyclables et de trot­toirs suff­isam­ment larges et séparés du flux auto­mo­bile (surtout sur des axes à 50 km/h) implique bien sou­vent de rogn­er l’espace alloué à la voiture, que ce soit du sta­tion­nement ou de la voie de cir­cu­la­tion. Ce qui, dans l’imaginaire col­lec­tif, entraîn­era une aug­men­ta­tion de la con­ges­tion.

Déroule­ment men­tal ordi­naire lorsqu’on envis­age de redis­tribuer l’espace en faveur des modes doux :

On sait que nom­breux sont ceux qui pren­dront le vélo ou qui marcheront si on pro­pose des itinéraires et des infra­struc­tures attrac­tives. Les enquêtes le mon­trent un peu partout et la mise en place d’une vraie poli­tique cyclable entraîne une aug­men­ta­tion de la pra­tique (2 à 5 % sur le ter­ri­toire mét­ro­pol­i­tain lorsque Nantes a éten­du à 400 km de pistes et mis en place son vélo en libre ser­vice).

Tout en annonçant une volon­té d’inciter au modes act­ifs et aux TC, les décideurs et les amé­nageurs ont encore du mal à con­cevoir une voirie qui ne vise pas unique­ment l’efficacité des déplace­ment  motorisés et la min­imi­sa­tion des bou­chons.

Un projet tourné sur l’aide à la décision locale

Issu de l’appel à pro­jet H2020 (20142020), le pro­jet FLOW (Fur­ther­ing Less con­ges­tion by cre­at­ing Oppor­tu­ni­ties for more Walk­ing and cycling) vise d’une part à valid­er par l’observation et la mod­éli­sa­tion le bien­fait des modes doux sur le traf­ic motorisé, et d’autre part à com­pren­dre com­ment con­va­in­cre les amé­nageurs. En effet, ce que l’on appelle con­ges­tion ou bou­chons cor­re­spond à un seuil de tolérance (mesurable ou perçu), pro­pre au ter­ri­toire con­sid­éré. Pour inclure cette per­cep­tion locale et com­pren­dre les amé­nageurs actuels, six villes sont parte­naires (Budapest, Dublin, Lis­bonne, Sofia, Gdy­nia, Munich), neuf villes jumelées à celles-ci, et 25 villes sont financées pour par­ticiper à des ate­liers et for­ma­tions ain­si que des séances d’échanges.

Changement d’approche méthodologique

La voiture ne peut pas être la solu­tion aux prob­lèmes causés par la voiture, et l’impact de réal­lo­ca­tion de l’espace aux modes doux est encore beau­coup més­es­timé. Pour don­ner une chance à la marche et au vélo et sor­tir de la réflex­ion monomodale, le pro­jet européen FLOW a suivi la méthodolo­gie suiv­ante (ver­sion sim­pli­fiée) :

La con­ges­tion est un état de traf­ic impli­quant tous les modes présents sur un réseau de trans­port mul­ti­modal, car­ac­térisé par des fortes den­sités et des infra­struc­tures sur-util­isées, en com­para­i­son avec un état accept­able pour tous les modes selon les objec­tifs visés et qui mène à un sen­ti­ment de retard (perçu ou réel).

Cette déf­i­ni­tion mul­ti­modale d’un état de con­ges­tion du réseau prend en compte toutes les infra­struc­tures présentes (trot­toirs, chaussées…), réfère à la capac­ité et la demande, per­met de définir le niveau de tolérance locale­ment et prend en compte la per­cep­tion de l’usage. Les indi­ca­teurs de per­for­mance retenus sont le retard (réel ou perçu), la den­sité (de per­son­nes déplacées) et le niveau de ser­vice (con­ti­nu­ité du débit : flu­ide, lent, arrêté, par exem­ple).

Le rap­port final du pro­jet recon­naît qu’il y a encore de nom­breuses lim­i­ta­tions dans leur approche. Entre autres, il sup­pose une totale sépa­ra­tion des modes, et l’estimation du délai (perçu ou réel) est encore très approx­i­ma­tive. Toute­fois les obser­va­tions du pro­jet sont toutes encour­ageantes et l’intégralité de l’approche per­met une adapt­abil­ité suff­isante aux cir­con­stances locales.

Dans la tête des experts

Dans le port­fo­lio de mesures exis­tantes, on trou­ve un ques­tion­naire intéres­sant auprès des experts en amé­nage­ment sur le rôle du vélo et de la marche pour réduire la con­ges­tion. 87 % pensent que le vélo peut jouer un rôle impor­tant dans la ges­tion de la con­ges­tion et 76 % pensent que la marche peut aus­si con­tribuer. En par­al­lèle, seule­ment une faible par­tie déclare que des mesures pour la marche ou le vélo sont mis­es en place pour alléger le traf­ic urbain (12 % pour la marche et 27 % pour le vélo).

Bien que la majorité des répon­dants men­tion­nent le poten­tiel de report modal de la voiture aux modes doux pour les cour­tes dis­tances et soulig­nent l’« effi­cac­ité spa­tiale »(1) des modes doux, ces résul­tats mon­trent qu’il y a un fos­sé à franchir pour dévelop­per le plein poten­tiel de la marche et du vélo. C’est-à-dire sur­pass­er la crainte irra­tionnelle de l’augmentation des bou­chons si on réduit l’espace de la voiture.

La revue de lit­téra­ture fournie dans le rap­port final du pro­jet et les dif­férents doc­u­ments don­neront nom­bres d’exemples et de don­nées pour con­va­in­cre.

Quelques résultats avec le vélo

New York : L’ajout de ban­des cyclables pro­tégées a per­mis de réduire le temps de par­cours auto­mo­bile de 35 %.

Pays-Bas : Une étude mon­tre que la réal­i­sa­tion de 675 km sup­plé­men­taires d’autoroutes à vélo per­me­t­trait de sauver 3,8 mil­lions d’heures (433 années !) passées dans le traf­ic par année. Jusqu’à 9,4 mil­lions d’heures si le VAE prend de l’ampleur…

Copen­h­ague : Sur une voie urbaine com­plète­ment sat­urée, l’élargissement des espaces pié­tons et cycles et la flu­id­i­fi­ca­tion de leurs itinéraires a con­duit à 45 % en moins de traf­ic auto­mo­bile et une amélio­ra­tion des temps de par­cours des trans­ports en com­mun.

Wash­ing­ton DC : Le sys­tème de vélos en libre ser­vice a entraîné une réduc­tion de 4 % des bou­chons.

Conseils pour plaider la solution vélo

Le pro­jet FLOW réalise aus­si un retour d’expériences sur com­ment con­va­in­cre de la valid­ité d’une approche mul­ti­modale. Il nous con­seille :

Mettre fin à la congestion durablement

Si on peut ajouter aux nom­breux bien­faits du vélo l’argument qu’il est la solu­tion aux bou­chons, et qu’il va même réduire les temps de par­cours auto­mo­bile, pourquoi s’en priv­er ?

Toute­fois, il faut garder à l’esprit que la vraie solu­tion con­tre la con­ges­tion et les nui­sances socio-économiques et san­i­taires qui l’accompagnent, ce sont les change­ments de com­porte­ments. Même si le report modal flu­id­i­fie tem­po­raire­ment le traf­ic motorisé, il per­met aus­si de con­serv­er l’attractivité des tra­jets en voiture. Alors que les habi­tants en milieu urbain dense fer­ont facile­ment le pas­sage aux modes act­ifs en se réap­pro­pri­ant l’espace, les autres pour­ront par­courir de plus grandes dis­tances en voiture en moins de temps et ain­si favoris­er la péri­ur­ban­i­sa­tion. À moyen terme, on retrou­vera nos bou­chons sauf si des mesures com­plé­men­taires sont mis­es en place (le péage urbain par exem­ple).

On dis­pose main­tenant d’outils pour réduire la con­ges­tion avec une réelle approche mul­ti­modale. L’empêcher de revenir sera une ques­tion de péd­a­gogie et de prise de recul, et de moyens appliqués sur l’intégralité des bassins de déplace­ments.

(1) Rap­port entre la sur­face employée pour le nom­bre de per­son­nes qui peu­vent l’emprunter.

Inspiré d’un arti­cle paru sur le site de l’ECF.

Pour aller plus loin : Le prob­lème de la con­ges­tion et de la qual­ité de vie : Hap­py City: Trans­form­ing Our Lives Through Urban Design, Charles Mont­gomery, (https://thehappycity.com/the-book/)

Un article à lire aussi dans Vélocité146 — mai-juin 2018, une publication de la FUB