Arnaud : Professeur, est-ce que c’est moins nocif de se déplacer à vélo plutôt qu’en voiture quand il y a des pics de pollution ?
Pr. Gremeaux : Rouler à vélo est moins nocif que se déplacer en voiture, même si dans certains cas ça peut apporter des symptômes d’irritation de la gorge, de bouche pâteuse. La précaution principale que l’on donne dans ces périodes de pollution élevée, ou de canicule, c’est plutôt vis-à-vis des personnes âgées ou qui souffrent d’asthme. Il s’agit de modérer l’intensité de l’effort pour ne pas trop ventiler. Quand c’est possible aussi, nous recommandons d’éviter les grands boulevards, bien qu’à vélo on se déplace plus vite en ville qu’en voiture, donc même si on ventile plus, on est exposé moins longtemps à la pollution.
Erik : Une étude a été réalisée par l’Université de Cambridge en 2016 sur l’exposition des cyclistes aux polluants. Les chercheurs ont établi un point de bascule temporel, déterminant la durée après laquelle les méfaits de la pollution sont supérieurs aux bienfaits du vélo. Ce qui est surprenant, c’est qu’il faut rouler très longtemps. Pour Istanbul, en moyenne, avec 33 µg de particules polluantes par m3, il faut pédaler 165 minutes de suite pour que les méfaits de la pollution vous atteignent plus à vélo qu’en voiture. A Shanghai, il faut pédaler 1 heure et demie. A Delhi, ça descend à 30 minutes par jour.
Pr. Gremeaux : Je trouve que c’est un message plutôt positif. Dans les grandes recommandations d’activité physique de l’OMS, on parle de 30 minutes d’activité modérée par jour. Visiblement, on peut même le faire à Delhi en toute sécurité. Et on se rend compte que dans la majorité des cas, on a toujours des bénéfices largement supérieurs aux risques liés à l’activité physique. On sait que lorsque vous êtes en train de pratiquer un sport, une activité physique intense, vous êtes plus à risque d’un problème cardiaque que votre copain dans son canapé. Ceci dit, sur les 23 heures du reste de la journée, vous diminuez 1 000 fois votre risque de problème cardiaque.
Erik : A Paris, il faut pédaler 8 heures sur une journée normale pour atteindre ce point de bascule, et même en pic de pollution, on peut encore pédaler 45 minutes sans passer en situation négative.
Arnaud : Et en cas de canicule ?
Pr. Gremeaux : En cas de canicule, les effets délétères de la pollution sont ressentis avec plus de force. Dans la mesure du possible, il faut faire du vélo tôt le matin ou tard le soir, bien que ce soit difficile pour les personnes qui se rendent au travail à vélo. Il faut aussi faire attention à s’hydrater suffisamment. Le plus simple, c’est d’avoir des urines claires et de partir bien hydraté. Les risques du vélo lors d’une canicule sont limités, car il faut une exposition prolongée pour avoir des effets délétères.
Erik : Est-ce qu’il y a une différence pour la santé entre le vélo sport et le vélo transport ?
Pr. Gremeaux : Je dirais plutôt que même 20 minutes de vélo pour aller au travail tranquillement, ça a déjà des effets bénéfiques sur la santé. La différence se caractérise surtout en termes de capacité physique et de performance. Plus vos capacités physiques sont élevées, moins vous avez de risques de maladies chroniques, de problèmes cardiaques, cancers et autres. Dès 15–20 minutes d’activité physique par jour, on a des effets bénéfiques pour la santé.
Erik : Est-ce qu’il y d’autres aspects de la santé que le vélo permet d’améliorer ?
Pr. Gremeaux : Globalement, comme beaucoup d’autres activités sportives quand elles sont pratiquées régulièrement, de façon modérée, il n’y a pas beaucoup d’éléments de santé qui ne soient pas positivement impactés par l’activité physique. C’est un médicament qui est efficace sur la plupart des pathologies chroniques.
Erik : En conclusion, en plus de rendre sexy, le vélo c’est meilleur pour la santé que la voiture ?
Pr. Gremeaux : Oui !
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