Ils sont livreurs, artisans, jardiniers, déménageurs ou réparateurs de vélos à vélo. On trouve aussi des para-médicaux, des vendeurs alimentaires, libraires, artistes. Et dans beaucoup de villes, des métiers se sont déjà regroupés en petites sociétés. Il leur manquait un lien national : c’est fait.
Ça n’est pas un hasard si l’Union nationale des Boîtes à vélo France est née dans les locaux d’une chambre de commerce, samedi 19 janvier à Angers. C’est là en effet, au centre de formation de la CCI de Maine-et-Loire, qu’une bonne centaine d’entrepreneurs à vélo (260 étaient invités) ont fondé l’association qui les fédère, en ont ciblé les objectifs, approuvé les statuts et désigné leurs représentants au niveau national.
On peut encore parler d’économie sociale et solidaire au vu du niveau très modeste du chiffre d’affaires de beaucoup de ces entreprises. Mais le lien avec le circuit économique général s’impose de plus en plus et la dynamique des « boîtes à vélo » (une appellation nantaise à l’origine) a été saluée par le président de la CCI angevine, qui a rappelé devant leur assemblée le rôle des chambres consulaires pour accompagner toute création d’entreprise.
L’opportunité de la loi sur les mobilités
Le député de Maine-et-Loire Matthieu Orphelin, présent au moment de l’accueil des congressistes, jouait sur du velours en reprenant l’un de ses thèmes favoris : « qu’enfin on puisse considérer le vélo comme un vrai mode de déplacement et de développement économique. Pas que dans les villes, on a plein de projets vélo aussi dans les petites communes autour d’Angers. » Un thème qu’il s’apprête à développer devant l’Assemblée nationale en juin prochain avec la loi sur les mobilités : « La loi, elle arrive. Faites-moi vos propositions d’amendements ! » Et il ne faut pas traîner parce que « tous les grands lobbys organisés, ceux qui veulent que rien ne change, leurs propositions on les a déjà », prévient le député.
Et des propositions, les Boîtes à vélo en ont, à commencer par faire sauter le plafond des 250W de l’assistance électrique pour les professionnels. Histoire d’avoir du couple pour monter les côtes avec des charges lourdes, pas du tout pour aller plus vite. Et on a pu constater auprès des exposants de matériel roulant présents à Angers à l’occasion de ce rassemblement que les fabricants ont déjà les produits qui conviennent (avec des puissances pouvant dépasser les 1 000W), il sont prêts à prendre les commandes.
Des problèmes d’assurances
Autres évolutions souhaitées par les participants : un accès au foncier facilité dans les centres-villes pour pouvoir stocker et/ou stationner facilement, une réglementation plus tolérante pour l’alimentaire ambulant (le café bien chaud ou les bonnes crêpes), dont les cyclo-vendeurs font encore régulièrement l’objet de tracas policiers, voire judiciaires. La question des assurances est aussi pas mal revenue sur le tapis : pour les assureurs le travail à vélo ne rentre pas encore vraiment dans les cases. Quant au stationnement des voitures (ou des camionnettes d’artisans) sur les espaces cyclables, si ça pose déjà problème avec un simple vélo, ça devient plus que gênant avec un engin moins manœuvrable.
Il y a un côté donnant-donnant dans tout ça : donnez-nous les moyens de bien travailler à vélo, ça vous fera une bonne image pour votre ville. Et c’est vrai que beaucoup d’élus locaux ont compris qu’il y avait là un argument vert à saisir. Cet échange de bons procédés est plus difficile à faire passer au niveau national, on s’en est rendu compte, mais ça va venir.
Avec les fabricants de matériel
Plusieurs biais témoignent aussi de cette entrée dans la sphère économique. C’est bien sûr le réseau des fabricants et revendeurs de vélo-cargos et autres engins sur trois roues (et à remorque) de plus en plus diversifiés et sophistiqués. Ils sont d’ailleurs intégrés dans la représentation nationale qui vient de se constituer, avec droit de vote en assemblée générale et au CA. C’est aussi une logistique intégrant désormais la livraison décarbonée au dernier kilomètre, tout simplement parce qu’elle échappe aux camions et camionnettes pénalisés par leur gabarit.
La dynamique, elle sautait aux yeux avec une moyenne d’âge autour de la trentaine, des gens très motivés par le travail qu’ils se sont créé, maîtrisant parfaitement les outils numériques et très organisés comme en témoigne l’efficacité du déroulement de cette assemblée générale fondatrice.
Le soutien de la FUB
Voilà donc une nouvelle fédération qui apparaît sur la planète vélo. Une de plus, ce qui n’est pas signe de division puisqu’il s’agit d’une création. Et c’est le rassemblement d’acteurs économiques qui ont encore leur place à trouver dans une société qui ne les attendait pas forcément, avec des conditions de travail améliorables. Les Boîtes à vélo ont tout intérêt à trouver ensemble les solutions à leurs problèmes spécifiques.
La FUB les encourage sans réserve, et son président Olivier Schneider, en les invitant à participer au prochain baromètre des villes cyclables, était venu le leur dire à Angers : « La solution vélo, on ne peut pas la faire seulement avec les trajets domicile-travail, on la fera aussi avec ce que vous faites ». L’argument économique est souvent opposé à la volonté écologique, on a ici la combinaison des deux grâce aux entrepreneurs à vélo.
Le conseil d’administration
Collège des entreprises
Rachid AMOURA (Viavélo, Angers), Wiame BENYACHOU (l’Atelier Remue-ménage, Bordeaux), Eddie PINEAU (SICLE, jardiners paysagiste, Angers), Gloria LEROY (Leroy Velotaxi, Grenoble), Erwan CARRE (Les Colis Verts, Chamalières), Philippe GENTY (Ebéniste, Paris), Lucille Mercier (OLVO, Paris)
Suppléants : Alexis ANGIOLETTI (FLEETER, Paris), Jonathan GEVAERT (Vélojo, Rezé).
Collège des fabricants
Jérôme RAVARD (ToutenVélo), Francisco LUCIANO (Douze), Julien LANGé (Veloptimo, urba et vélo)
Collège des Associations Boîtes à Vélo
Mathias AUBERT (BaV Lyon), Sonia BOURY (BaV Nantes), Jérôme Cucarollo (BaV Grenoble), Mathieu Eymin (BaV Paris)
Extraits des statuts
Dans le préambule de ses statuts, rédigés avec l’aide d’un avocat, l’Union nationale défend « un cadre de vie apaisé » avec l’usage du « vélo comme un moyen durable et efficace de transport des biens et des personnes, avec de multiples externalités positives ». Elle assure créer « un ancrage territorial fort », avec « des emplois non délocalisables, dans une recherche de filières courtes » et adopter « un comportement exemplaire », qui passe par « respecter le code de la route, respecter les autres usagers (piétons, voitures, etc.) », mais aussi « respecter la loi, le code du travail et les conventions d’occupation du domaine public ».
L’article 2 précise :
« L’Association Nationale poursuit un objectif non-partisan, d’utilité sociale et d’intérêt général, par ses actions visant à favoriser l’essor et la généralisation de l’entrepreunariat à vélo en France et contribue ainsi à généraliser le vélo comme moyen alternatif aux véhicules motorisés pour le transport des biens et des personnes en milieu urbain, périurbain et rural.
Pour réaliser cet objectif, l’Association Nationale entend :
- Rassembler le plus largement les acteurs de l’entrepreunariat à vélo et les associations locales « Boîtes à Vélo » et favoriser les synergies et échanges de bonnes pratiques entre eux ;
- Apporter des services aux adhérents ;
- Mener des actions de plaidoyer et de communication auprès des acteurs publics et privés en faveur de l’entrepreunariat à vélo et du développement du vélo comme moyen de transport des biens et des personnes ;
- Nouer tout partenariat institutionnel ou financier avec d’autres entités publiques ou privées qui seront validés par les instances de l’Association.
L’Association Nationale développe ses activités tant en France que dans tout autre pays étranger. »