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Le vocabulaire vélo dans le filtre ministériel

On a retrou­vé nos mots dans le vocab­u­laire util­isé par le Pre­mier min­istre. Pas tous, mais quand même. On l’a enten­du pronon­cer « rup­tures d’itinéraires » ou « dis­con­ti­nu­ités cyclables », et par­ler du vélo comme « un trans­port » plutôt qu’un sport. Il a même con­clu sur le « plaisir ». On n’avait pas l’habitude d’entendre ce lan­gage de la part de nos gou­ver­nants.

Une récupération classique

Le « développe­ment de l’usage du vélo », c’est ce qu’on demande depuis 20 ans, parce que c’est « une solu­tion à de vrais prob­lèmes du quo­ti­di­en » : là encore, même lan­gage.

Il y a là des « enjeux à la fois indi­vidu­els et col­lec­tifs » ? Oui, bien sûr. Et cette « forme de sobriété », nous sommes con­va­in­cus depuis longtemps de sa per­ti­nence. Jolie son­nette sur le guidon : le logo de la FUB s’est retrou­vé presque repris à l’identique en tête du com­mu­niqué de presse offi­ciel du min­istère.

La récupéra­tion est clas­sique, mais elle sur­prend quand même après quelques décen­nies d’ignorance, pen­dant lesquelles le Tour de France a eu le qua­si-mono­pole de l’intérêt porté au vélo dans notre pays, sans qu’il soit ques­tion pour le pou­voir de faire la pro­mo­tion du vélo au quo­ti­di­en.

Sobriété : faites ce que je dis…

La récupéra­tion n’est pas com­plète pour autant : « sécu­rité » a escamoté « san­té », et le dis­cours offi­ciel ne reprend pas la « séden­tar­ité », fac­teur de mal­adies chroniques et morts pré­maturées, ni l’ « activ­ité physique » recom­mandée par l’Organisation mon­di­ale de la san­té.

Et puis per­son­ne n’est dupe : cette « sobriété » n’a rien d’exemplaire chez un Pre­mier min­istre qui vient en avion puis en voiture blind­ée (Elis­a­beth Borne et François de Rugy sont arrivés en TGV puis à vélo depuis la gare). Pas beau­coup de sobriété dans les images non plus : on n’a pas échap­pé au rit­uel pour la pho­to, et mon­tr­er à la France entière le Pre­mier min­istre et son aréopage pédalant quelques min­utes tout sourire dans les rues d’Angers. Pos­ture car­i­cat­u­rale atten­due dans une société qui se nour­rit d’images en per­ma­nence.

Les vieux réflexes

Et pour en revenir au vocab­u­laire, en dehors d’un dis­cours offi­ciel minu­tieuse­ment pré­paré par ses ser­vices, il y a des mots spon­tanés qui révè­lent chez le Pre­mier min­istre une cul­ture vélo pour le moins hési­tante, met­tant en avant tout autre chose que la san­té ou le plaisir. Après avoir été accueil­li à son arrivée par le maire d’Angers et les autres per­son­nal­ités, Edouard Philippe s’est tourné vers les enfants d’une école venus faire une petite démon­stra­tion de leur habil­ité à vélo, et ses pre­miers mots ont été : « Est-ce que vous êtes pru­dents ? », « Est-ce que vous met­tez tou­jours un casque ? », « Et le gilet jaune ? ».

Vieux réflex­es. Comme aus­si celui de choisir le rac­cour­ci réduc­teur de « pistes cyclables » pour annon­cer le pre­mier point de son plan vélo. On aurait préféré l’entendre dire « réseaux cyclables » ou « amé­nage­ments cyclables ». Ca vien­dra. On a bien réus­si à évac­uer « modes doux » : le cab­i­net du Pre­mier min­istre a claire­ment adop­té la for­mule « mobil­ités actives », qu’on devrait retrou­ver dans la future loi d’orientation des mobil­ités.

Un article à lire aussi dans Vélocité147 — septembre-octobre 2018, une publication de la FUB.