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Le vélo deviendra-t-il plus intelligent que son cycliste ?

L’intelligence con­nec­tée a débar­qué dans la vie de la petite reine. Pour plus de sécu­rité, con­tre le vol, la fatigue… Les applis et les nou­veaux acces­soires arrivent au sec­ours.…

Le cycliste peut-il alors s’en remettre à son vélo et rouler le nez en l’air ? Perd-il carrément le contrôle ?

Aux Pays-Bas, « un opéra­teur télé­phonique néer­landais a dévelop­pé une appli­ca­tion mobile qui empêche l’utilisation des smart­phones à vélo », annonce un arti­cle paru sur 20minutes.fr. — « Une fois en selle, le réseau inter­net et toutes les formes de com­mu­ni­ca­tion sont blo­qués, seule reste la pos­si­bil­ité d’appeler le 112 en cas d’urgence. » Le sys­tème de ver­rouil­lage de vélo relié au télé­phone, fait par­tie « d’une vaste cam­pagne lancée pour (…) les enfants, les plus vul­nérables ». L’initiative est portée par l’association de sécu­rité routière néer­landaise et un opéra­teur du pays, KPN.
Ce n’est donc plus le cycliste – jeune soit-il — qui fait atten­tion à lui… mais son vélo qui s’associe à son télé­phone pour lui éviter la ten­ta­tion du SMS !

« Les accessoires électroniques ou connectés renouvellent les équipements »

L’assistance tech­nologique à vélo occupe le Web. Le vélo sécurisant inspire. Celui que l’on retrac­erait via un GPS en toutes cir­con­stances aus­si. « Les acces­soires élec­tron­iques ou con­nec­tés renou­vel­lent les équipements oblig­a­toires et recom­mandés », apporte la jour­nal­iste de La Croix. Elle présente dans un arti­cle « plusieurs inven­tions récentes (…) qui s’attachent à réduire les risques à vélo selon trois pri­or­ités : sig­naler sa présence, faciliter les change­ments de direc­tion et garder la maîtrise de la bicy­clette ». Le lecteur-cycliste voit ici sa sécu­rité assurée par trois inno­va­tions : un guidon con­nec­té à un GPS où il « n’a plus qu’à suiv­re », un casque à puce Blue­tooth qui baisse la musique à l’approche d’un obsta­cle et les clig­no­tants qui rem­pla­cent le bras, surtout la nuit.
Le guidon con­nec­té en ques­tion, bap­tisé Wink, occupe aus­si le site d’Ouest-France. Le jour­nal en ligne décrit : « Le guidon ‘relié’ pro­pose d’autres fonc­tions que tra­quer une petite reine per­due. Il donne le chemin à suiv­re par GPS, via des LEDS envoy­ant des sig­naux lumineux (tourn­er, faire demi-tour, aller tout droit…). Il joue les antivols, déclen­chant une alarme s’il ne recon­naît pas son pro­prié­taire. Enfin, il est doté d’un éclairage s’adaptant à la lumière ambiante ».

« Le but : prévenir les automobilistes de la présence du vélo »

« Miche­lin a mis au point une inno­va­tion appelée Bike­sphere. Grâce à un émet­teur placé en dessous du guidon, deux anneaux LED rouge se pro­jet­tent au sol, un à l’avant et l’autre à l’arrière. Le but : le même que pour un phare, c’est à dire prévenir les auto­mo­bilistes de la présence d’un vélo », expose L’Equipe dans sa rubrique « Sport et Style ».

Que diriez-vous d’un vélo où, avec une appli­ca­tion, « vous déver­rouillez le cade­nas, con­fig­urez la puis­sance du mécan­isme, véri­fiez le niveau de charge de la bat­terie et activez la local­i­sa­tion du vélo lorsqu’il est volé » ? Voilà une somme d’activités à voca­tion qua­si­ment mag­ique que pour­ra accom­plir L’Electrified S, ce nou­veau vélo intel­li­gent du fab­ri­cant hol­landais Van­Moof, présen­té sur le site d’actus geek Android­Pit :

L’innovation avance dans le même sens pour Green­ber­ry, une start-up de Nan­cy qui voit vert et a mis en place « un ser­vice de vélos con­nec­tés, doté d’une tech­nolo­gie de géolo­cal­i­sa­tion qui vous per­me­t­tra d’une part de retrou­ver facile­ment votre vélo en cas de perte mais aus­si de mieux cohab­iter avec les voitures. (…) Grâce à une appli­ca­tion qui vous pro­pose des itinéraires adap­tés à l’usage du vélo » — rap­porte Le blog des Insti­tu­tion­nels, inter­face dévelop­pée par une fil­iale du groupe Crédit Mutuel Arkéa.

« Le numérique doit rester un soutien à des pratiques plus vertueuses »

Avec de telles propo­si­tions, vient se pos­er la ques­tion de la lib­erté du cycliste… Une ques­tion que les con­cep­teurs de Green­ber­ry ont anticipée :

Le numérique doit rester un sou­tien à des pra­tiques plus vertueuses, sans pour autant se sub­stituer à la respon­s­abil­ité de cha­cun. Des cap­teurs mesurent la qual­ité de l’air en temps réel, sen­si­bil­isant ain­si ses util­isa­teurs à l’importance de se déplac­er plus respon­s­able.

Le cycliste pour­rait donc encore mobilis­er son intel­li­gence tout en com­mu­ni­quant avec celle de sa mon­ture. Cette com­plé­men­tar­ité est aus­si le par­ti pris de la K-Ryole, « une remorque intel­li­gente, capa­ble d’accompagner et d’anticiper les réac­tions du cycliste » et trans­porter jusqu’à 250kg, annonce Le Parisien.

« Un vélo révolutionnaire » dépolluant

« L’argument écologique sem­ble être le fer de lance de la renais­sance du vélo », rap­pelle {Sci­ences Humaines}. Quid du plaisir de rouler à la seule force de ses fibres mus­cu­laires n’ayant aucune con­som­ma­tion énergé­tique ailleurs? Le Néer­landais Daan Roosegaarde, instal­lé à Pékin, s’est saisi de cet enjeu et pro­pose un vélo high tech… mais dépol­lu­ant :

Le vélo a tou­jours été le sym­bole d’un mode de vie qui fait appel aux éner­gies pro­pres et qui est soucieux de réduire la pol­lu­tion, mais ce vélo-ci est à dou­ble usage : il puri­fie l’air tout en per­me­t­tant de se déplac­er.

Ces pro­pos étaient pub­liés en anglais dans le Guardian et relayés en français par Cour­ri­er Inter­na­tion­al pour présen­ter ce pro­jet qui suit l’installation d’une tour qui aspire le smog en République pop­u­laire. Ce « vélo révo­lu­tion­naire » est aus­si racon­té dans L’Equipe.

« La bicyclette réhabilite l’intelligence du corps »

Le par­fait équipement du cycliste 2.0 a donc du boulot ! Faisons un pas de côté dans le temps. « Il y a 200 ans le vélo détrô­nait le cheval » titre ce mois-ci le mag­a­zine Sci­ences et Vie avec la nais­sance de la draisi­enne. En cet anniver­saire, le vélo ne peut-il plus se pass­er d’une intel­li­gence arti­fi­cielle qui vient com­pléter celle de l’Homme ?

Selon Claude Marthaler, la bicy­clette répond aux besoins de déplace­ment des humains et s’apparente à un « élé­ment pri­mal qui réha­bilite l’intelligence du corps.

Sci­ences Humaines titre « La revanche du vélo » un arti­cle con­sacré aux raisons du suc­cès du vélo dans nos métrop­o­les. Le lecteur y trou­ve Claude Marthaler qui « com­pare le mécan­isme du guidon au cours de la vie : ‘Le guidon est comme une métaphore de son pro­pre des­tin. Il per­met de s’orienter et de chang­er de direc­tion quand on le veut.’ »

Le « car­ac­tère éman­ci­pa­teur » du vélo est aus­si présent, venu des années 1970 avec Ivan Illich. «Dans un texte philosophique, il décrit le vélo comme un objet com­plé­men­taire à l’être humain, qui lui per­met d’aller au bout de ses capac­ités sans se déna­tur­er », résume la jour­nal­iste, avant de citer :

La bicy­clette est un out­il par­fait qui per­met à l’homme d’utiliser au mieux son énergie métabolique pour se mou­voir : ain­si out­il­lé, l’homme dépasse le ren­de­ment de toutes les machines et celui de tous les ani­maux.

« Le retour de la draisienne »

Face à l’élan tech­nologique, la ten­dance au ‘rétro-pédalage’ arrive aus­si, sans pour autant affich­er le besoin de frein­er l’innovation. « Deux siè­cles plus tard, le retour de la draisi­enne », titre RFI. Ici, un design­er offre une élé­gante mon­ture en bois. Sans pédale. Sans chaîne. Sans tra­jet pré­con­isé. Deux roues, une selle, un guidon. Et rien.

Le vélo, ce com­pagnon du quo­ti­di­en, pour­ra donc épauler son cycliste ou se laiss­er guider par lui. Ques­tion de car­ac­tère de l’un, et de l’autre. Y a-t-il un vrai besoin de com­par­er les « intel­li­gences » ? Peu prob­a­ble. Restons sur ces mots de Pierre Dac : « Sans l’invention de la roue, les coureurs du Tour de France seraient con­damnés à porter leur bicy­clette sur le dos ».

Pho­tos : licence CC0