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Vélorutions, collectifs, pétitions : Un vent de révolte souffle-t-il parmi les cyclistes?

Au Print­emps, un peu partout, les véloru­tions se mul­ti­plient, les péti­tions cir­cu­lent, les col­lec­tifs s’organisent. Les opéra­tions médi­a­tiques peu­plent le Web cycliste de ce mois de mai.

Pourquoi les cyclistes se manifestent-ils ?
Les causes semblent converger. Les méthodes varient.

« Soyons tous véloru­tion­naires ! », rap­porte France 3 Rhône-Alpes-Auvergne en pleine « véloru­tion » le 14 mai. « C’était le mes­sage de la man­i­fes­ta­tion organ­isée à Annecy en faveur d’une mobil­ité moins pol­lu­ante que le tout-voiture et d’aménagements cyclables pour des déplace­ments à vélo au quo­ti­di­en. Mais plus pour l’amour du vélo, c’est surtout pour l’amélioration de la qual­ité de l’air qu’entendent se bat­tre tous ces “véloru­tion­naires” », expliquent les jour­nal­istes télé. Ce jour-là, en Haute-Savoie, en cinq endroits dif­férents, « 1500 cyclistes ont pédalé, 5 asso­ci­a­tions ont répon­du à l’appel d’Inspire 74 », lit-on sur la vidéo pub­liée en retour de ces « mobil­i­sa­tions pour une mobil­ité pro­pre » sur le site d’Inspire.

France Bleu décrit la man­i­fes­ta­tion à Annecy :

Afin d’alerter la ville, les cyclistes ont blo­qué quelques min­utes la cir­cu­la­tion en s’allongeant, rond-point Charles de Gaulle, à l’endroit même où un homme, à vélo, a per­du la vie il y a un mois.

Des cyclistes qui se sentent en danger

Pro­téger les cyclistes est en effet un point qui rassem­ble. Selon les cul­tures, il est exprimé de dif­férentes manières. Au Québec, en ban­lieue Sud de Mon­tréal, c’est en silence que man­i­fes­taient les cyclistes le 17 mai « en mémoire des cyclistes dis­parus ». La radio FM 103,3 écrit:

Le tour du Silence de la Rive-Sud est les troisièmes plus gros à tra­vers la planète. L’organisation s’attend à avoir entre 500 et 1000 cyclistes (…) Le tour du Silence est un événe­ment qui se déroule à tra­vers le monde tous les troisièmes mer­cre­dis du mois de mai. Il a débuté en 2003 au Texas et est organ­isé sur la rive-sud depuis 2004.

Retour en France. A Lille, c’était « la 16e (masse cri­tique, ndlr) en 16 mois d’existence » pour le col­lec­tif Véloru­tion, selon La Voix du Nord. Le jour­nal­iste explique :

L’idée est de for­mer une masse dite cri­tique qui per­met de s’imposer dans le flot de la cir­cu­la­tion. Le col­lec­tif souhaite, en effet, met­tre en lumière les points noirs qui met­tent en dan­ger l’intégrité des cyclistes.

Au croise­ment de la Loire et du canal du Niver­nais, à Decize, le raz-le-bol n’est pas exprimé par les touristes, mais par les habi­tants. Isabelle Rollin, mil­i­tante de vélo, racon­te au Jour­nal du Cen­tre :

Cela fait trente ans que je roule à vélo dans Decize à mes risques et périls. Quand j’ai appris que deux jeunes lançaient une let­tre péti­tion pour amélior­er les con­di­tions de cir­cu­la­tion, je leur ai dit “vous tombez du ciel”. (…) Énor­mé­ment de per­son­nes aimeraient faire du vélo mais elles ont peur. C’est dan­gereux d’être cycliste à Decize.

Ce sen­ti­ment serait ici « partagé par les pié­tons et les per­son­nes en fau­teuil qui évo­quent les ‘trot­toirs étroits et pleins de trous’ et l’absence de mar­quage sur les chaussées. »

L’argument sécu­ri­taire est là. Pour touch­er les élus, cer­tains mil­i­tants cyclistes sor­tent la carte « tourisme ».

L’argument touristique au fil de l’eau

La ques­tion du tourisme est par­ti­c­ulière­ment sen­si­ble ce mois-ci le long du Rhône. « La pre­mière “véloru­tion” régionale est par­tie dimanche 14 mai (…) de Lyon pour rejoin­dre Vienne, dans le Nord-Isère en début d’après-midi. (…) En clair ces mil­i­tants asso­ci­at­ifs deman­dent une réflex­ion plus poussée des élus sur les plans de déplace­ments urbains afin d’intégrer le vélo. Et aus­si une relance du pro­jet Viarhô­na, à leur sens au point mort depuis trop longtemps », rap­porte RCF.
La véloru­tion était portée par « 22 asso­ci­a­tions des agglomérations de Lyon, de St-Étienne, de Vienne et de Givors », selon le com­mu­niqué dif­fusé par Elles font du vélo.

Ils veulent plus d’aménagements cyclables

A Bourges, « Véloru­tion, neu­vième édi­tion », démarre le jour­nal­iste du Berry Répub­li­cain dans l’édition du 19 mai.
Ici, l’association Mon Cher vélo «organ­ise son désor­mais tra­di­tion­nel ren­dez-vous dédié aux cyclistes ”qui veu­lent se faire enten­dre de façon sym­pa­thique, en mon­trant que nous ne sommes pas que des gueu­lards, mais aus­si là pour con­stru­ire”. (…) Le prési­dent de l’association, Adrien Lelièvre, dis­tribue les bons et les mau­vais points des amé­nage­ments pour les cyclistes en ville.»
Leur pro­jet est depuis 2012 «de se rassem­bler et de faire enten­dre leur voix auprès des élus». La cause ne con­cerne pas seule­ment une poignée de mil­i­tants : «Lors de la pre­mière édi­tion, 60 per­son­nes pre­naient le départ. Trois ans plus tard, ils étaient près de 600».

En Cham­pagne, l’action passe à l’écrit, sur la Toile. Ce sont les étu­di­ants de Sci­ences Po qui s’activent en lançant une une péti­tion sur Inter­net « Pour plus de pistes cyclables à Reims », rap­porte France Bleu. Leur demande ?

Plus d’aménagements cyclables, notam­ment le long des grands axes de cir­cu­la­tion, et plus d’arceaux et d’abris pour vélos.

A Kiev, en Ukraine, une man­i­fes­ta­tion pour la pro­mo­tion du vélo en ville a été portée par la Kiev Cyclists’ Asso­ci­a­tion (AVK). Plus atyp­ique, elle s’est tenue en présence du maire de la ville et de la min­istre de la San­té, rap­porte la Fédéra­tion européenne de cyclisme, ECF. « Notre objec­tif est de ren­dre Kiev plus sûre et agréable pour les cyclistes », a même for­mulé le maire. Le pays est à replac­er dans son con­texte en matière de lib­erté d’expression : l’Ukraine finis­sait 102e pays au classe­ment mon­di­al de la lib­erté de la presse 2017 établi par Reporters Sans Fron­tières RSF — la France 39e -.

L’approche santé pour des villes cyclables

En Turquie, début mai, une équipe de 25 cyclistes a par­cou­ru 580km en 6 jours pour ren­con­tr­er 8 maires « pour attir­er leur atten­tion sur les béné­fices de l’activité physique sur l’obésité, le dia­bète et les trou­bles du métab­o­lisme. Ils ont encour­agé les maires à soutenir la part du vélo dans les déplace­ments urbains à tra­vers les cam­pagnes #Nowwe­move and #Nowwe­bike », rap­porte le site de l’ECF. En com­plé­ment, un film où l’on suit l’équipe de cyclistes dans une vie à haut stand­ing devait être dif­fusé auprès de 70 munic­i­pal­ités. Pour redor­er l’image du vélo, peut-on imag­in­er.

Et voici une dernière manière de man­i­fester publique­ment son point de vue sur la place du vélo dans notre pays, lancée par la [Fédéra­tion des usagers de la bicy­clette FUB. L’action est ici de faire s’exprimer sur le vélo en France les can­di­dats aux élec­tions prési­den­tielles puis lég­isla­tives. La Fédéra­tion a car­ré­ment lancé un site, asso­cié à une cam­pagne, « Par­lons Vélo », sus­cep­ti­ble à la fois d’influencer can­di­dats et citoyens.
Dera Vic­to­ry écrit sur le blog de City­cle :

Pour la FUB et ses parte­naires, le rêve d’une France cyclable est par­faite­ment réal­is­able. Pour ce faire toute­fois, nos élus ont un rôle impor­tant à jouer. Après les can­di­dats à la prési­den­tielle, c’est donc vers les can­di­dats aux élec­tions lég­isla­tives que tous les regards se tour­nent. Pour savoir si eux aus­si ont pen­sé à la solu­tion vélo dans leur pro­gramme, la cam­pagne Par­lons Vélo con­tin­ue !

Ce qui est sûr, c’est que le vélo se défend. Et même, qu’un peu partout, il donne des idées de révo­lu­tion… de véloru­tion, par­don.

 

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